Dans votre exposé des motifs, vous indiquez, monsieur le député Thiériot, que le concept de « puissance d'équilibres » est « au mieux une forme atténuée du non-alignement gaullien, au pire le cache-misère d'un déclassement relatif dans le concert des puissances, que ne compense pas l'idée d'autonomie stratégique européenne ». Précisément, il s'agit d'une autre manière d'évoquer le non-alignement gaullien.
Voulons-nous encore que la France soit une puissance ? Nous pensons parler de la même chose, mais nos acceptions du mot « puissance » sont différentes, notamment s'agissant du multilatéralisme. Oui, la France a cette singularité, notamment comme alliée au sein de l'Alliance atlantique, de tenir à certains équilibres mondiaux, peut-être moins clivés ou définitifs.
Après une année passée à la tête du ministère des armées, je peux vous dire que la notion de puissance d'équilibre, au singulier ou au pluriel, a du prix dans une partie des pays ne se situant pas dans l'hémisphère nord – le Sud global –, y compris la zone indopacifique. De la diplomatie gaullienne jusqu'à la terminologie employée par le Président de la République aujourd'hui, tout le monde comprend le signal ainsi envoyé. Je vous invite à en discuter avec les Indonésiens, les Indiens et les Émiriens : ils ont compris ce que nous souhaitions faire, et cela se traduit dans des accords de défense ou commerciaux, en matière d'armement. Le concept renvoie aussi à la grande question d'équilibre entre les États-Unis d'un côté, et la Chine de l'autre, voire la Russie. Cette posture est cependant spécifique à la France et mérite d'être toujours défendue. En son temps, le général de Gaulle lui-même était assez minoritaire…