Permettez-moi de saluer à mon tour l'engagement de nos soldats, prêts à sacrifier leur vie au service de la nation : ils ont besoin de tout notre soutien dans leur mission et ils peuvent compter sur le nôtre.
Ce projet de loi de programmation militaire ne nous convient pas car il consacre un modèle d'armée et une doctrine que nous contestons. Nous ne sommes ni des naïfs, ni des pacifistes béats, et l'évolution des stratégies déployées par les grandes puissances occidentales nous inquiète profondément ; néanmoins, l'obsession d'y répondre en se lançant à corps perdu dans la course aux armements nous préoccupe tout autant. La trajectoire de cette LPM nous conduira à doubler le budget de la défense entre 2017 et 2030 : pour quels objectifs ? Et pour quels résultats ces dernières années ?
Depuis vingt ans, les opérations extérieures que la France a menées, seule ou au sein d'alliances, n'ont réglé aucun des problèmes posés, à commencer par le terrorisme. Elles ont au contraire entraîné une déstabilisation politique, économique et sociale importante, comme en Libye ou en Afghanistan, et même une rancœur à l'égard de nos forces et de notre pays au Sahel. C'est la raison pour laquelle nous ne partageons pas le choix d'une armée de projection puissante et symbolisée par l'investissement dans le porte-avions. Nous doutons de la pertinence de la décision, très coûteuse, de développer un nouveau porte-avions : les compétences exceptionnelles de nos soldats ne sont bien entendu pas en cause, mais nous considérons qu'il serait plus efficace d'investir dans des moyens de surveillance et de protection de l'Hexagone et des territoires ultramarins, dans de meilleurs équipements des soldats et dans des soldes plus élevées.
Nous appelons à un large débat avec les Français sur les choix de notre pays en matière de paix et de sécurité ; sans cela, nous risquons d'avoir, plutôt qu'une guerre d'avance comme le proclame le Président de la République, une paix de retard.
Le projet de loi de programmation militaire défend un modèle d'armée placé sous l'emprise de la dissuasion nucléaire. Le choix d'augmenter la force de frappe nucléaire vampirise l'essentiel des autres moyens d'action. C'est tellement vrai que la mise en service de nombreux équipements, chars, bateaux, avions et drones a dû être reportée au-delà de 2030. Or nos armées ont besoin de moyens pour défendre les intérêts de la France partout où ceux-ci sont menacés, en particulier dans nos zones maritimes et nos zones économiques exclusives (ZEE). D'autres choix sont possibles et même nécessaires pour renforcer nos points faibles, mais nous en sommes actuellement empêchés parce que la LPM est plombée par le tout-nucléaire militaire, dont le coût ne figure nulle part dans le texte, ce que nous déplorons. Nous souhaiterions obtenir des réponses précises pendant les débats. Le seul point de repère, que vous avez confirmé, Monsieur le ministre, est cette part d'environ 13 % prise par le nucléaire militaire dans le budget global de la défense, soit 54 milliards d'euros sur sept ans. Nous sommes opposés à cette escalade, qui entre en contradiction avec la ratification par notre pays du TNP. Mes collègues de Polynésie interviendront d'ailleurs pour rappeler les ravages des essais nucléaires sur l'atoll de Mururoa et exprimeront leur demande de réparation.
Ce projet de loi de programmation nous entraîne vers une militarisation excessive et inédite depuis 1960 de notre pays. La militarisation démesurée de la planète ces dernières années et la dissuasion nucléaire, qui existe depuis des décennies, n'ont pas empêché le déclenchement des conflits extrêmement meurtriers que nous connaissons depuis le début du XXIe siècle. Cela devrait nous faire réfléchir. Voilà pourquoi nous devrions concentrer nos moyens sur la défense de l'Hexagone et des territoires d'outre-mer, garantir de meilleures conditions de sécurité d'entraînement pour les soldats ainsi que des rémunérations plus élevées et assurer l'indépendance de la filière de défense, y compris par rapport à nos alliés.