Intervention de Mélanie Thomin

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 21h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMélanie Thomin :

Le projet dont nous débutons l'examen n'est pas une loi de programmation militaire comme les autres. Nous pourrions avoir la tentation de la percevoir comme une simple actualisation de la LPM précédente, tant sa trajectoire semble davantage marquer une continuité qu'une rupture. Ce projet de loi s'inscrit néanmoins dans un moment de bascule, à cause de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, qui fait émerger aux portes de l'Europe une volonté nationaliste et belliqueuse, et de la politique agressive et autoritaire du régime chinois. Alors, l'impensable redevient probable : jamais depuis la fin de la guerre froide, les menaces et les enjeux de la défense nationale n'auront été aussi prégnants. ; jamais depuis longtemps, les choix et les arbitrages n'auront été aussi difficiles. Pour emprunter à Clausewitz, nous pourrions dire que cette programmation militaire est recouverte d'un brouillard épais.

Face à l'incertitude, le groupe Socialistes et apparentés ne souhaite ni éluder, ni refuser les choix ou la discussion car il est conscient des implications concrètes de cette loi pour la nation et pour les armées. Je tiens à saluer au nom de mon groupe l'engagement des personnels civils et militaires des armées, mobilisés dans le territoire national, dans les bases et dans des théâtres d'opérations. Dans le cadre de la LPM, nous souhaitons que soit défini un cap crédible, cohérent et ambitieux pour la défense. Dès lors, nous ne céderons ni à l'urgence du moment en donnant un blanc-seing au Gouvernement, ni à l'obstruction de courte vue. Cette position de responsabilité, c'est celle des socialistes. Groupe le plus ancien de cette assemblée, nous avons accompagné pas à pas et sur le temps long les politiques de défense de notre république ; souvenons-nous de Jaurès et de son modèle d'armée nouvelle et du président Mitterrand : la gauche a une longue histoire avec les armées et mon groupe souhaite y prendre toute sa part.

Depuis le début de cette législature, nous avons suivi avec grande attention l'ensemble des auditions et des conclusions des missions d'information, notamment celles sur la précédente LPM, les stocks de munitions ou les fonds marins. En tant que parlementaires, il est de notre rôle d'interroger les militaires, les personnels civils de la défense et, bien entendu, le Gouvernement pour questionner les choix de ce projet de loi et enrichir celui-ci dans l'intérêt du pays.

Monsieur le ministre, vous avez assuré que vous vous teniez à la disposition du Parlement : nous veillerons à ce que cette proclamation se traduise en actes. Le Gouvernement fixe dans la LPM les priorités des armées, de ses capacités et de ses équipements pour les années à venir face aux grands enjeux du monde ; elle doit traduire un sursaut, déjà annoncé à de nombreuses reprises.

L'augmentation de 30 % du total des crédits semblait prometteuse. Le projet de loi comporte cependant certains défauts majeurs. Tout d'abord, sa préparation ne s'est pas accompagnée de la rédaction d'un Livre blanc, pourtant nécessaire pour ancrer les anticipations et réaliser des choix robustes – nous aurons l'occasion de l'évoquer. Pour la première fois dans l'histoire de l'Assemblée, la conférence des présidents a jugé que l'étude d'impact était excessivement faible et a refusé l'inscription du texte à l'ordre du jour. Ensuite, sa trajectoire budgétaire, censée justifier l'union nationale, souffre d'incertitudes considérables et de limites perceptibles. L'atteinte de la cible des 2 % semble un vœu pieux. Ainsi, dans le détail, la programmation laisse une sensation paradoxale à cause de renoncements marquants et de choix doctrinaires timides voire indécis, malgré un coût élevé.

Nous attendons des débats une discussion constructive et exigeante. Nous avons déposé des amendements pour enrichir nos échanges et nous projeter dans le cycle long de la LPM. L'examen du texte s'inscrit bien entendu dans un contexte social de crise, tendu par certaines positions inflexibles du Gouvernement. C'est pourquoi nous serons particulièrement attentifs à la condition sociale des militaires, laquelle nous semble un enjeu prioritaire du projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion