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Intervention de Jean-Michel Jacques

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 21h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Jacques, rapporteur :

À l'heure du retour de la guerre en Europe, avec l'agression russe en Ukraine, de la stratégie de puissance de la Chine, des risques terroristes persistants et de la multiplication des menaces hybrides, chacun d'entre nous a conscience de l'importance des armées pour nous protéger et, quand le besoin s'en fait sentir, faire entendre la voix de la France. « La France ne peut être la France sans la grandeur » disait le général de Gaulle. Lui aussi avait dû faire face à des bouleversements géostratégiques et technologiques majeurs, et il avait choisi d'investir massivement dans le nucléaire militaire au détriment d'autres investissements capacitaires. L'histoire lui a donné raison.

Le présent PLPM a quelque chose de gaullien. L'enjeu est de continuer d'assurer à la France son autonomie d'analyse de décision et d'action sans avoir à dépendre d'un quelconque protecteur et de renforcer son statut de puissance d'équilibre et de pays cadre pour d'autres nations. Les choix que nous ferons durant l'examen de ce texte nous engageront bien au-delà des sept prochaines années, car la défense est une affaire de temps long, notamment parce que les programmes d'armement prennent du temps. Notre responsabilité est grande : nous allons débattre de l'avenir de notre modèle d'armée, des moyens qui lui seront alloués et de la sécurité des générations futures. Soyons à la hauteur de l'engagement de nos valeureux soldats, qui, fidèles à l'histoire et aux valeurs de l'armée française, sont prêts au sacrifice suprême si la réussite de leur mission le nécessite.

J'ai naturellement à cette heure une pensée émue pour toutes celles et tous ceux qui sont morts pour la France, ainsi que pour nos blessés ; je sais que chacun d'entre vous s'associe à cet hommage. Derrière les trajectoires financières et les cibles en matière d'équipements, il y a des femmes et des hommes, qui sont les premières richesses de nos armées. Ne l'oublions jamais. Adopter une loi de programmation militaire, c'est aussi prendre la responsabilité d'un texte qui a des effets directs sur les conditions d'exercice des métiers et sur la vie de plus de 207 000 militaires d'active et 63 000 civils de la défense animés d'un sens de l'engagement profond, ainsi que sur les réservistes.

La LPM qui s'achève a permis de réparer nos armées après des décennies de sous-investissement. L'impulsion donnée en 2017 a engagé une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain et a eu des effets positifs sur le quotidien de nos militaires. Nous disposons désormais d'un socle solide pour assurer la montée en puissance de nos armées, comme l'ont souligné nos collègues Yannick Chenevard et Laurent Jacobelli dans leur rapport.

Après le temps de la réparation vient celui de la transformation. Pour ce faire, le présent projet de loi définit plusieurs axes.

La clef de voûte est la modernisation de notre dissuasion nucléaire dans toutes ses composantes et dans une logique de stricte suffisance pour rester crédible.

Ensuite, nos armées doivent être prêtes à réagir de manière rapide et décisive en cas d'engagement majeur. À cette fin, il est prévu de consolider les capacités cruciales pour un conflit de haute intensité, comme l'artillerie lourde, la défense sol-air, les drones, les munitions ou les blindés. Les équipements de nos armées doivent bénéficier du meilleur des ruptures technologiques à venir dans les domaines quantique, de l'intelligence artificielle, de l'hypervélocité et de la connectivité. Nous devons également disposer des systèmes de commandement capables de nous permettre de continuer à jouer le rôle de nation cadre au sein d'une coalition en cas d'engagement majeur. Enfin, il convient de renforcer la cohérence des armées grâce à un soutien logistique et à un maintien en condition opérationnelle de qualité.

Troisième axe, donner à nos armées la capacité de défendre et d'agir dans les champs hybrides : espace, fonds marins, cyber, bulles informationnelles, qui constituent désormais des champs de conflictualité au même titre que la terre, l'air ou la mer. La compétition, la contestation et l'affrontement sont devenus multimilieux et multichamps. Les représentants de tous les états-majors ont insisté sur cette révolution copernicienne.

Quatrièmement, il est plus que nécessaire de renforcer encore la protection de nos territoires d'outre-mer, sur lesquels les menaces et les pressions de nos compétiteurs stratégiques s'intensifient.

Enfin, il est indispensable que nous entrions dans une logique d'économie de guerre, afin de gagner en agilité de production en cas d'engagement dans un conflit de haute intensité. Pour cela, il convient de consolider les entreprises de la base industrielle et technologique de défense, de disposer d'un maximum de filières d'approvisionnement souveraines et de mieux capter l'innovation dans nos territoires – ce qui sera bénéfique pour eux puisque cela se traduira par la création d'emplois.

Je voudrais vous faire part de mon analyse sur deux points.

D'abord, je me réjouis que, pour concevoir ce PLPM, on n'ait pas déduit un format humain et capacitaire à partir d'une trajectoire financière ; c'est au contraire l'examen approfondi des besoins des armées au regard des objectifs et des menaces qui a conduit à définir une trajectoire financière cohérente, à hauteur de 413 milliards d'euros.

Ensuite, j'estime qu'il est essentiel d'agir concrètement pour la modernisation, la simplification et le fonctionnement de notre appareil de défense. À rebours de la culture du principe de précaution, il convient de valoriser l'audace et la prise de risque. Il faut réduire les normes, simplifier les circuits de décision, faire davantage confiance à l'échelon le plus proche du terrain, dans une logique de subsidiarité. C'est au prix d'un tel changement des mentalités que la transformation des armées engagée par le présent PLPM pourra être pleinement effective.

Je n'ai aucun doute sur le fait que nous serons collectivement à la hauteur des enjeux et que nous ferons de l'examen de ce texte un débat constructif sur notre politique de défense. Sans doute aurons-nous des divergences – peut-être sont-elles nécessaires – mais je sais que chacun d'entre vous sera guidé par une même boussole : l'intérêt supérieur de la nation. Au travail et vive l'armée française !

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