Avant de commencer, je veux avoir une pensée pour Arman Soldin, le journaliste de 32 ans tué aujourd'hui à proximité de Bakhmout à la suite d'un tir de roquettes. J'assure ses proches de notre soutien. Cet événement tragique nous rappelle les risques encourus par les journalistes. Gardons en tête que derrière chaque article et chaque reportage, il y a des hommes et des femmes qui risquent leur vie au plus près des combats pour nous assurer une information objective.
Je salue aussi les collègues qui ont porté assistance à la fonctionnaire prise d'un malaise cardiaque en séance jeudi dernier : Julien Rancoule, membre de notre commission, et Stéphanie Rist. Cela montre que chacun, avec ses compétences, a un rôle à jouer ; compter parmi nous des sapeurs-pompiers volontaires et des médecins garantit une forme de sécurité.
Cette réunion est historique, puisque nous engageons l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire (PLPM) pour les années 2024 à 2030, alors que les menaces n'ont jamais aussi nombreuses et diversifiées depuis la fin de la guerre froide. Rappelons en ce 9 mai que l'Union européenne a été bâtie sur un idéal de paix ; plus de soixante-dix ans plus tard, et bien qu'imparfaite, elle a tenu cette promesse. Mais aujourd'hui, la guerre interétatique est de retour en Europe, des puissances révisionnistes contestent l'ordre international issu de la seconde guerre mondiale et n'hésitent pas à recourir à la force ou à des stratégies hybrides, de nouveaux espaces de conflictualité émergent : le cyber, les fonds marins, l'espace. Ces menaces nouvelles s'ajoutent aux anciennes, comme le terrorisme international armé ou la prolifération nucléaire, dans un contexte à la fois de mutations technologiques profondes et de dérèglement climatique.
La France n'est pas condamnée à subir ce contexte ; elle a le devoir de le modeler. Nombreux sont les atouts dont elle dispose. Nation archipel de dimension mondiale, elle est ce pays sur lequel le soleil ne se couche jamais. Elle est riveraine de tous les océans, à l'exception de l'Arctique. Elle assume des responsabilités internationales éminentes : membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, membre fondateur de l'Union européenne et de l'Otan, seul État membre de l'Union européenne à être doté de l'arme nucléaire. Elle ne se résout pas au blocage de l'ONU et se mobilise pour que l'Union européenne assume sa puissance et devienne un acteur géopolitique de premier plan. Elle vise un idéal de paix et de renforcement du droit international.
Le présent PLPM, très attendu, fixe pour les sept prochaines années les grandes orientations de notre politique de défense. Notre commission, consciente de ses responsabilités, s'est préparée à son examen. Nous avons réalisé cinq missions d'information, mis en place des groupes de travail, participé à ceux du ministère, organisé plusieurs cycles d'auditions, effectué une vingtaine de déplacements à l'international et quatorze sur le territoire national, eu de nombreuses sessions de travail avec des députés d'autres commissions, lancé des débats citoyens, qui ont rassemblé, physiquement ou en ligne, plus d'un millier de nos compatriotes.
Au-delà de la commission, l'Assemblée nationale s'est saisie du texte. Quatre commissions permanentes ainsi que la commission des affaires européennes ont travaillé dessus, dont deux au fond. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a présenté aujourd'hui son rapport sur les retombées des lois de programmation militaire (LPM) en matière d'innovation civile. Un débat sur le bilan de la précédente LPM a été organisé en séance plénière la semaine dernière, à l'initiative du groupe Démocrates et apparentés. Plus de soixante auditions ont été réalisées. Des citoyens ont été sollicités pour exprimer leurs idées – je pense en particulier aux membres des Jeunes IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), dont certains sont parmi nous et qui ont produit en à peine dix jours une analyse de grande qualité. Presque 700 amendements sont en discussion.
Ce PLPM se veut à la hauteur des enjeux vertigineux auxquels la France fait face. Ses grandes lignes sont fidèles à notre héritage stratégique comme aux promesses républicaines. Un effort budgétaire considérable de 400 milliards d'euros permettra à nos armées de s'adapter aux évolutions de l'environnement géostratégique, en gagnant en réactivité, en épaisseur et en cohérence, tout en conservant un modèle équilibré qui fournit à notre pays la boîte à outils militaire la plus large d'Europe. Le texte maintient le cap exigeant mais indispensable du renouvellement de notre dissuasion nucléaire, de façon à en assurer la crédibilité. Notre politique de défense ne se résumant pas à sa seule dimension militaire, nous mènerons des travaux complémentaires pour appréhender ces questions de manière globale.
Nos débats, publics, seront suivis par la communauté de défense, par nos alliés, nos compétiteurs et nos adversaires, ce qui nous impose une certaine hauteur de vue et la conscience de la gravité des enjeux. Bref, Monsieur le ministre des armées, vous avez devant vous une commission fin prête pour de riches échanges.
Pour conclure, j'aurai une pensée pour nos militaires engagés en opération, en premier lieu pour l'opérateur des forces spéciales blessé au cours de l'opération Sagittaire, ainsi que pour les civils de la défense et les opérateurs de l'industrie de défense. Le succès militaire de la France repose sur la mobilisation de tous. Nous leur exprimons toute notre reconnaissance – et, à travers la nôtre, celle de l'ensemble des Français.