Je vous ai dit tout à l'heure, à propos de l'interdiction des coupes rases, d'une part, que la France avait au moins 150 ans de retard et, d'autre part, que cette question était liée à la prévention des risques incendie, ce qui est scientifiquement prouvé.
Ce que l'on observe actuellement dans les forêts est identique à ce qui s'est passé dans les années 1950 dans le monde agricole. Nous vous alertons depuis plusieurs années sur le fait que les forêts se trouvent à la croisée des chemins. Les coupes rases se multiplient actuellement en forêt en l'absence de réglementation en la matière – et lorsque des lois existent, elles sont transgressées. Le modèle qui se développe actuellement prend la forme du triptyque suivant : coupes rases, puis plantations – au passage, le sol est parfois tellement affaibli qu'on utilise aujourd'hui des pesticides en forêt – et enfin monoculture. Un tel modèle a déjà mené à la destruction du monde paysan et des écosystèmes agricoles. Il en ira de même pour les forêts. Dès lors, quel modèle souhaitons-nous pour elles ?
Je donnerai l'exemple du Morvan. Comme dans bien d'autres endroits du pays – je pense au plateau de Millevaches –, des citoyens, des associations, des collectifs et les forestiers eux-mêmes se battent contre les coupes rases. Là-bas, 50 % des forêts de feuillus, aux essences diversifiées, ont été remplacées par des résineux. Ce problème extrêmement grave se pose dans de nombreuses régions du territoire.
Je conclurai en citant le célèbre forestier Aldo Leopold : « J'ai lu de nombreuses définitions de ce qu'est un écologiste et j'en ai moi-même écrit quelques-unes mais je soupçonne que la meilleure d'entre elles ne s'écrit pas au stylo mais à la cognée. La question est : à quoi pense un homme au moment où il coupe un arbre, ou au moment où il décide de ce qu'il doit couper ? Un écologiste est quelqu'un qui a conscience, humblement, qu'à chaque coup de cognée, il inscrit sa signature sur la face de la Terre. »
La question qui se pose est donc la suivante : quelle signature voulons-nous inscrire sur les arbres de nos forêts ? Souhaitons-nous laisser faire le marché ou préférons-nous agir dans le sens de l'intérêt général et donc encadrer enfin ces coupes rases ?