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Intervention de Sylvain Maillard

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Maillard, rapporteur :

Fruit d'une réflexion de plusieurs mois, réclamée par les acteurs du secteur, pragmatique, la proposition de loi que je défends au nom du groupe Renaissance est une pierre supplémentaire à l'édifice construit depuis plus de cinq ans pour que soit exaucé le vœu formulé en 2017 par le Président de la République et que la moitié d'une classe d'âge passe, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen.

Depuis lors, la majorité présidentielle a fait de la recherche du plein emploi l'un des objectifs prioritaires de son action. Nous sommes conscients que la formation reste le meilleur bouclier contre le chômage de masse des publics les plus éloignés de l'emploi, comme le sont les jeunes.

Selon l'Agence européenne de promotion de l'alternance, « il existe un large consensus en Europe sur le fait que l'apprentissage peut être un moyen efficace pour aider les jeunes à effectuer une transition plus harmonieuse entre l'école et l'emploi et remédier aux déséquilibres du marché du travail ».

Outre une meilleure employabilité de nos jeunes, une expérience à l'étranger comme un stage en entreprise ou une formation présente de nombreux avantages. Selon l'étude de l'Observatoire Erasmus+ publiée en décembre 2022, elle permet d'améliorer le niveau de langue, de développer des compétences, un réseau à l'international mais également des capacités d'adaptation et d'autonomie en s'ouvrant à d'autres cultures.

Le 13 mars dernier, notre collègue Fanta Berete et moi avons échangé sur le campus d'Orly avec des élèves et leurs professeurs de baccalauréat professionnel « maintenance de véhicules ». Les élèves nous ont parlé de leur expérience inoubliable et très formatrice en Italie, à l'occasion d'un voyage qui les a transformés. Leurs yeux brillaient ! Ils ont fait part de techniques de réparation de véhicules, d'enseignements différents. À l'issue de nos échanges, ils ont confié être impatients de renouveler cette expérience pendant une période plus longue. Leurs professeurs ont même réfléchi à une évolution des techniques d'apprentissage.

En 2018, la mobilité́ internationale des apprentis, y compris à l'intérieur des frontières de l'Union européenne, était très peu développée puisque 25 000 seulement, parmi eux, avaient bénéficié́ d'une expérience professionnelle hors de France entre deux et trois semaines, contre plus de 600 000 étudiants français qui avaient pu se rendre à l'étranger depuis la création du programme Erasmus. Le rapport de Jean Arthuis remis à Muriel Pénicaud en 2018 pour lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe pointait d'ailleurs la discrimination dont sont victimes les apprentis par rapport aux étudiants.

Le programme Leonardo da Vinci, auquel a succédé Erasmus+ en 2014, a permis de lever partiellement ce frein à la mobilité européenne pour les jeunes en formation professionnelle.

Dans un rapport publié en novembre 2017, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dénonçait déjà l'existence de freins importants au développement de la mobilité, tenant pour l'essentiel à l'obligation, pour les entreprises françaises, de rémunérer l'apprenti et de payer les cotisations pendant la période de mobilité à l'étranger, aux calendriers pédagogiques des centres de formation d'apprentis (CFA), aux difficultés de la certification des compétences et à la complexité des procédures administratives de mobilisation des crédits d'Erasmus+.

Dans un autre rapport sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, publié en décembre 2022, l'Igas a formulé vingt et une recommandations afin d'augmenter significativement le nombre d'apprentis qui partent en mobilité́ européenne. Cette proposition de loi s'inscrit dans l'esprit de ce rapport.

Ainsi, même si la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a posé un nouveau cadre juridique pour la mobilité des apprentis et des bénéficiaires de contrats de professionnalisation en créant deux types de mobilités – en fonction notamment de la durée de la période à l'étranger –, elle ne laisse pas la possibilité de maintenir la rémunération du jeune en cas de mobilité de plus de quatre semaines, ce qui contrevient au souhait de certaines entreprises et qui peut mettre en difficulté l'apprenti lorsqu'il ne perçoit aucune rémunération dans le pays d'accueil.

Il était donc important de rendre optionnelle la mise en veille de certaines clauses du contrat d'apprentissage. En effet, la disposition légale qui oblige à mettre en veille certaines clauses des contrats d'apprentissage et de professionnalisation pour les mobilités de plus de quatre semaines est de nature à freiner, voire empêcher, la mobilité internationale de certains apprentis dont les maîtres d'apprentissage entendent maintenir l'indemnisation, notamment dans l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, cette mise en veille obligatoire du contrat de travail dissuade les jeunes qui perdent, de fait, leur salaire sans que les sommes qu'ils peuvent percevoir des opérateurs de compétences (Opco), variables d'un opérateur à l'autre, assurent une compensation suffisante. Certaines entreprises elles-mêmes ne sont pas demandeuses de la mise en veille du contrat de travail car, en embauchant l'apprenti, elles ont intégré qu'une partie de son temps en CFA s'effectuerait à l'étranger.

Il s'agit par conséquent d'autoriser le statut de « mise à disposition de l'alternant » pour tout type de mobilité, dès lors que maître d'apprentissage et apprenti en conviennent. La mise en veille resterait une autre solution praticable, au choix des parties prenantes. Tel est l'objet de l'article 1er de cette proposition de loi, qui répond aux souhaits des entreprises et des CFA. Le vote de ce dispositif substitue l'option à l'obligation.

L'article 2 facilite la conclusion de conventions pour les alternants effectuant une mobilité internationale dans un organisme de formation en supprimant l'obligation d'une convention individuelle de mobilité́ lorsqu'un partenariat existe déjà.

L'article 3 prévoit d'organiser une convergence des prises en charge financières par les opérateurs de compétences et de rendre obligatoire la compensation des coûts liés aux cotisations sociales.

Dans un contexte où le marché du travail est mondialisé, la mobilité des alternants à l'étranger constitue un levier pour favoriser l'insertion dans l'emploi. Malgré le contexte sanitaire peu propice à la mobilité de manière générale, les chiffres publiés par l'Observatoire Erasmus+ pour la période précédant la crise sanitaire sont encourageants puisqu'ils témoignent d'une progression significative depuis la réforme de 2018. En effet, 6 870 alternants ont effectué une mobilité en 2018-2019, soit une progression de 30 % par rapport à l'année scolaire précédente.

Nous devons maintenant accélérer cette dynamique. L'année 2022 a permis à notre politique de l'apprentissage de franchir un nouveau cap avec – c'est un record historique – 837 000 nouveaux contrats signés. Nous devons continuer à soutenir, à accompagner et à réguler la formation des parties prenantes de l'apprentissage.

Soutenir, en pérennisant l'aide de 6 000 euros à l'embauche des alternants pour tous jusqu'en 2027, comme annoncé par le Président de la République ; accompagner, en augmentant le nombre d'apprentis afin d'atteindre un million d'apprentis par an d'ici à la fin du quinquennat ; réguler, grâce à la certification de France Compétences pour améliorer la qualité des formations, mieux connecter l'offre et la demande.

Ce texte consensuel s'inscrit dans la continuité des politiques conduites en matière de formation et d'apprentissage. Il leur donne une dimension européenne et internationale. Vous en conviendrez : chaque jeune devrait avoir une expérience européenne. Devenir citoyen européen ne se décrète pas : cette relation doit se construire et se nourrir à travers de multiples rencontres au-delà des frontières de notre pays. Les étudiants et les apprentis ont tant à apprendre de nos homologues européens – et réciproquement car nous parlons bien d'échanges d'alternants !

Au nom du groupe Renaissance, je tiens à saluer Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie, sénateur et député européen, président d'Euro App Mobility, qui depuis tant d'années a défendu avec force et conviction la cause de la mobilité des apprentis. Je remercie également les administrateurs de l'Assemblée nationale pour les auditions menées, indispensables pour anticiper et comprendre les enjeux liés à la mobilité internationale des apprentis.

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