Le groupe Renaissance ne soutiendra pas la proposition de loi, et s'opposera donc à ses articles ainsi qu'aux amendements.
Le texte aborde des sujets de fond, sur lesquels nos désaccords sont réels. Je ne doute pas un instant que le groupe GDR soit attaché aux services publics de la République, et je vous avoue avoir été un peu surpris par la lecture de ce texte, dont je ne suis pas certain qu'il aille dans ce sens.
Nous ne soutenons pas la notion de localisation des emplois publics d'État, alors que votre texte peut laisser penser que c'est de cela qu'il s'agit. Je note d'ailleurs que notre collègue Paul Molac ne s'y est pas trompé en déposant un amendement qui, en quelque sorte, généralise le mécanisme proposé. Ce n'est pas notre définition de la fonction publique : même dans les États fédéralistes, l'égalité d'accès à la fonction publique est en général garantie pour les nationaux de la fédération.
Vous avez déposé des amendements pour revenir sur cet aspect mais, dans sa rédaction actuelle, votre texte inverse les principes. L'affectation d'un agent public à un poste doit être conduite dans l'intérêt général et de la qualité du service au public, et non dans l'intérêt de l'agent lui-même – même si les considérations relatives à sa situation matérielle et morale ne doivent pas être oubliées.
Comme la plupart de nos collègues ultramarins et même beaucoup de nos collègues hexagonaux – j'en fais partie –, vous avez rencontré ces situations de frustration et de souffrance où l'éloignement est souvent synonyme d'isolement affectif et matériel, voire sanitaire.
Le système actuel est organisé autour de la notion de CIMM, qui donne une priorité légale d'affectation. Un rapport du ministère de la fonction publique en a dressé un bilan en juillet 2021. Il serait injuste d'y lire que ce système est totalement défaillant. Les demandes de mutation vers les outre-mer sont justifiées, pour 13 % d'entre elles, par le CIMM ; 23 % des affectations sont fondées sur lui. Il faut néanmoins remarquer que ces statistiques sont déformées par la situation de trois administrations : l'éducation nationale, les forces de sécurité intérieure et la pénitentiaire.
En revanche, et c'est un débat que nous avions déjà ouvert lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Nicole Sanquer au cours de la législature précédente, la question de l'harmonisation de l'appréciation du CIMM entre les différentes administrations est toujours d'actualité. La ministre de la fonction publique de l'époque, Mme Amélie de Montchalin, avait alors souligné l'intérêt d'une actualisation de la circulaire ad hoc. Votre proposition aura, je l'espère, la vertu de provoquer enfin cette mise à jour, et si possible d'ici à la séance du 4 mai.
Je crois aussi que l'idée d'une commission du CIMM telle que la propose un amendement de notre collègue Philippe Naillet mérite toute notre attention, même si je ne suis pas certain qu'une loi soit nécessaire.
Vous faites référence, à raison, à ces sondages qui semblent indiquer une volonté de départ chez de nombreux jeunes ultramarins. Vous y voyez la marque d'une trop faible attractivité des territoires ultramarins : là encore, vous avez raison. Nous ne savons pas comment maintenir les compétences sur ces territoires. Mais répondre par la seule gestion des affectations des fonctionnaires d'État me paraît bien limité ; je crois davantage à la dynamique des acteurs entrepreneuriaux, associatifs et locaux. Le nouveau directeur de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), M. Saïd Ahamada, que nous avons interrogé dans le cadre de la commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer que j'ai l'honneur de présider, me semble vouloir inscrire son action dans cette philosophie du soutien au retour et aux projets des ultramarins venus se former sur le territoire hexagonal. C'est dans ce sens que nous devons aller, je crois. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de la réforme de Ladom et lors de l'examen du prochain budget.