Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du mercredi 26 avril 2023 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno Le Maire, ministre :

Je vous confirme que nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte » et que nous voulons progressivement mettre un terme aux boucliers tarifaires sur le gaz et l'énergie – ce sera le cas au début de 2025 – puisque le prix du gaz est revenu à son niveau d'avant la crise. Un tel retrait des dispositifs de protection est légitime, sauf à vouloir subventionner une énergie fossile. S'agissant de l'électricité, la baisse sera plus progressive. Nous réaliserons ainsi 30 milliards d'économie nets, ce qui permettra de contribuer au rétablissement des finances publiques après une dégradation des comptes qu'explique la protection contre l'inflation.

Je ne partage évidemment pas l'avis de M. Tanguy sur la manière dont nous avons tenu le cap lors de la tempête du covid. Les entrepreneurs, les chefs d'entreprise, les industriels que nous avons sauvés et que je rencontre très fréquemment savent que nous avons évité l'effondrement de notre économie et une explosion du chômage parce que nous avons pris les bonnes décisions au bon moment.

L'augmentation du taux des prélèvements obligatoires s'explique par le dynamisme de la masse salariale, donc une augmentation des recettes, notamment celles de l'impôt sur les sociétés (IS), même si nous en avons baissé le niveau. Lorsque tel est le cas, la prospérité et le rendement des entreprises augmentent, donc la recette fiscale. Pendant le quinquennat, les impôts baisseront de 1 point.

Je n'ai jamais dit que nous réduirions les dépenses en faveur de l'hôpital. Au contraire, nous les avons massivement augmentées et nous devons continuer à revaloriser les salaires des aides-soignants, des infirmiers, des personnels hospitaliers. Le Ségur de la santé a été l'occasion de la plus forte augmentation des rémunérations des personnels soignants depuis plusieurs années, ce qui n'est d'ailleurs que justice compte tenu du travail qu'ils ont accompli durant la crise du covid et qu'ils continuent d'accomplir chaque jour. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ne résume pas la politique hospitalière. Nous faisons des économies sur d'autres dépenses de santé, par exemple, sur les laboratoires, mais nous investissons et nous continuerons d'investir en faveur de l'hôpital public, qui a été le parent pauvre des politiques de santé lors des dernières décennies – ce qui fut à mes yeux une erreur.

J'invite Patrick Hetzel et la mission d'information à participer aux travaux sur la réduction des dépenses publiques et sur la documentation des économies à réaliser. Le programme de stabilité n'a pas vocation à présenter les économies possibles poste par poste, ministère par ministère, dépense publique par dépense publique. Cela relève du projet de loi de finances. Je suis convaincu que seul un dialogue résolu, le plus large possible, avec les oppositions permettra de trouver des points d'accord.

Le livret d'épargne populaire (LEP) protège totalement les épargnants de l'inflation. Grâce à un taux de rémunération supérieur à l'inflation, il constitue le placement le plus intéressant. Or des millions de compatriotes éligibles n'y ont pas souscrit. Je les invite à le faire. Les dépôts des livrets A sont liés à l'inflation et les émissions d'OATI que nous avons poursuivies permettent de protéger les économies des épargnants.

Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec mes homologues de la zone euro sur le pacte de stabilité. Nous nous réunirons à nouveau à Stockholm vendredi et samedi. Nous souhaitons que la réforme puisse aboutir d'ici à la fin de l'année, c'est-à-dire avant que la clause d'exception générale soit levée, le 1er janvier 2024. Nous souhaitons également trouver un bon équilibre entre le rétablissement des finances publiques et les investissements indispensables à la transition climatique. Nous estimons que les propositions de la Commission européenne constituent une base solide. Elles reposent sur trois piliers : d'abord, la différenciation entre les États – tous n'ont pas le même niveau de dette publique puisqu'elle s'élève, pour certains d'entre eux, à 55 % du PIB et pour d'autres, à 185 % ; ensuite, l'appropriation nationale : il appartient aux États souverains de s'approprier les modalités de réduction de leur dette et de leur déficit – c'est un principe auquel nous tenons, je le dis ici, devant les représentants du peuple souverain ; enfin, la préservation des investissements et la prise en compte des réformes structurelles accomplies par les États – je pense, en l'occurrence, à notre réforme de l'assurance chômage et des retraites.

En revanche, nous sommes fermement opposés à toute règle automatique et uniforme pour réduire la dette et les déficits publics. Le passé a montré combien ces règles aveugles aboutissent à de mauvais résultats, peuvent tuer la croissance et, ainsi, nous priver des investissements nécessaires à la transition climatique. J'aurai l'occasion de rappeler la position française à Stockholm, lors du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin).

La réforme du marché européen de l'énergie est fondamentale. Avec le Président de la République et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, nous nous sommes battus et nous avons obtenu gain de cause : la réforme s'appliquera au 1er janvier 2025 et elle permettra à nos compatriotes de bénéficier du coût de production de l'énergie nucléaire. Ainsi, le prix de l'électricité ne sera plus indexé sur le coût d'ouverture de la dernière centrale à gaz en Europe.

Soyons cependant lucides, si nous voulons que cette réforme soit efficace, la France doit produire plus. Un prix de consommation indexé sur le coût de production suppose que nous retrouvions des capacités de production nucléaire suffisantes, faute de quoi le prix restera élevé.

Je ne parlerai pas de « désarmement fiscal » mais nous voulons, il est vrai, mettre un terme à la course aux armements fiscaux : la multiplication des taxes et des impôts a été une grande singularité française parce que nous n'avons pas eu le courage d'opérer les transformations économiques nécessaires.

La politique de l'offre n'est en rien inefficace. Le déficit commercial a en effet fortement augmenté mais, principalement, parce que la note énergétique a flambé. Une politique de l'offre favorisant l'ouverture de nouvelles usines et le développement de capacités de production électrique dans notre pays permettra de le réduire. Cela passe par une plus grande production d'énergie, à un coût raisonnable, et une augmentation de la production industrielle et d'offre de services, comme nous le faisons et comme nous continuerons à le faire avec le projet de loi sur l'industrie verte.

Les prévisions de croissance sont conformes à celles du Fonds monétaire international et me paraissent donc crédibles.

Je ne suis pas là pour commenter les sondages, monsieur de Courson. Notre politique ne se fonde pas sur eux mais sur nos engagements de campagne, le sens de l'intérêt général et notre détermination à rétablir les finances publiques. Peut-être est-ce la raison de nos divergences à propos des retraites.

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