Je répondrai à certaines questions de manière générale. J'aurai plus de difficulté à traiter celles portant spécifiquement sur la France qui ne constitue pas ma spécialité.
S'agissant des politiques de soutien, nous estimons que les mesures mises en place, y compris en France, étaient appropriées au moment où la crise s'est déclarée. Si nous préconisons aujourd'hui de cibler, la question n'est pourtant pas si simple : qui doit-on cibler ? Les bas revenus ? Si on vise les coûts de l'énergie, une typologie de ménages peut se dessiner, mais c'est moins évident pour le transport, puisque d'autres types de ménages peuvent apparaître, notamment en zone péri-urbaine et rurale. Nous sommes justement en train de réaliser un rapport exhaustif référençant toutes les mesures de soutien et mettant en exergue des études de cas dans différents pays. Ce rapport sera probablement publié au moment de notre prochain point de prévisions économiques.
Le ciblage se lit selon deux facteurs. Premièrement, le coût fiscal et budgétaire, la France se situant à cet égard dans la fourchette haute, soit 4 à 4,5 % du PIB pour les mesures de 2022 et 2023, ce qui représente le double de la moyenne des pays de l'OCDE. Néanmoins, ce niveau reste comparable à celui des pays européens qui ont été le plus lourdement affectés. De plus, nous allons tenter d'améliorer des outils numériques visant à identifier les catégories de ménages les plus impactées. Deuxièmement, freiner la hausse des coûts de l'énergie, et notamment celle des énergies fossiles, brouille quelque peu le message envoyé pour la transition écologique. Ainsi, en Allemagne, les mesures compensatoires en direction des entreprises ont été réalisées sur seulement 80 % de la consommation moyenne des années précédentes, ce qui a poussé les ménages et les entreprises à réduire leur consommation énergétique. Cette démarche a contribué en définitive à la situation favorable que nous connaissons en matière énergétique.
Il serait erroné de dire que les salaires ont contribué à l'inflation, puisque c'est l'explosion du coût de l'énergie qui a été le premier facteur inflationniste. Néanmoins, les coûts unitaires du travail et ceux du capital ont contribué d'une certaine manière à renforcer l'inflation, les marges de profit ayant augmenté. On peut espérer que, comme c'est le cas généralement, les hausses de salaire fassent suite au rétablissement des marges.
Il faut néanmoins garder à l'esprit qu'un choc a eu lieu : un choc d'offre pour les petites et moyennes entreprises, et un choc de revenu, car la France reste dépendante des pays étrangers pour une bonne partie de son énergie. Or ce choc doit être absorbé quelque part. Comment ? Il faut garder un œil sur la productivité, qui peut amener une augmentation des salaires plus pérennes. Néanmoins, si nos rapports ont suggéré que nous pointions le risque d'une boucle prix-salaires, je pense que ce risque est beaucoup moins important aujourd'hui.
Quant à la question des taux d'intérêt, il est certain que ceux-ci ont un impact sur la demande, mais l'inflation aussi. J'estime donc que, s'il n'est peut-être pas nécessaire d'aller encore plus loin sur les taux d'intérêt, les diminuer dès aujourd'hui, comme si une page s'était tournée, serait un peu prématuré. Nous risquerions de devoir ensuite à nouveau les rehausser pour réduire les salaires.
Je vous remercie de rappeler que l'OCDE examine les enjeux bien au-delà du PIB, même si nous n'y procédons peut-être pas assez souvent. Ces enjeux importants de santé ou d'éducation ne sont pas suffisamment pris en compte dans le PIB. Nous menons un travail pour mieux intégrer dans les mesures des comptes nationaux des facteurs de distribution de revenus et de stock environnemental, mais cela prend du temps. Nous avons développé entre temps un ensemble d'indicateurs de bien-être qui sont utilisés dans beaucoup d'études. Néanmoins, je retiens qu'il faudrait effectivement plus souvent rappeler ces dimensions, qui plus est dans un contexte de transition environnementale et d'inclusion.
Existe-t-il un risque de course aux subventions ? Je pense que oui. Si certaines sont nécessaires pour développer des technologies vertes, une course désordonnée est à craindre à l'échelle internationale. Néanmoins, l'Europe a un réel intérêt à développer l'innovation et l'entrepreneuriat. D'ailleurs, l'une des principales entreprises ayant développé les semi-conducteurs très avancés est néerlandaise, donc européenne. Favoriser un écosystème favorable à l'innovation est en définitive fondamental, car toute mesure permettant de soutenir la productivité et l'emploi, et donc l'offre globalisée, contribue à réduire l'inflation.