Le profil de la France présente des similarités avec les autres pays de la zone euro, mais aussi des différences importantes. Le fait que le soutien à la consommation ait été plus important en France constitue une différence notable. Cette démarche a permis d'aider davantage la croissance que dans beaucoup d'autres pays, là où la faiblesse persistante de l'investissement reste une énigme.
Le mix énergétique de la France et l'importance du nucléaire la distingue également, notamment de l'Allemagne. Pour autant, la vulnérabilité française au coût de l'énergie reste assez élevée, puisque l'impact sur le revenu des ménages a été sensiblement le même qu'ailleurs.
Le marché du travail s'est un peu démarqué, notamment en raison du taux de chômage, qui n'a pas baissé autant qu'à l'étranger. Notons que le marché du travail reste dynamique dans beaucoup de pays, étant donné que les postes ouverts sont plus nombreux que les demandeurs d'emploi. Néanmoins, on s'attend à un ralentissement de la croissance de l'emploi, notamment aux États-Unis, sous l'effet du ralentissement économique observé actuellement.
En matière de politique industrielle, nous constatons effectivement un regain d'utilisation des subventions. S'agissant des États-Unis, on peut y voir un reflet de la décarbonation de l'économie liée aux enjeux climatiques. Dans ce cadre, ce soutien à une économie décarbonée ne passe pas essentiellement par des prix sur le carbone, mais par des subventions. Si le niveau de celles-ci est également élevé en Europe, certaines clauses imposant des contenus domestiques posent effectivement problème pour le commerce. Ainsi, l'OCDE s'intéresse à la question des subventions, dans la mesure où elles-mêmes peuvent contribuer à la surcapacité. Nous avons pu l'observer en Chine dans certains secteurs, notamment l'acier, où les subventions ont abouti à des surcapacités finissant par créer des distorsions pour le commerce et la production mondiale. Nous n'en sommes pas là, mais le risque existe, si l'on en venait à cibler des industries particulières à coups de subventions.
Il faut dire aussi que permettre le développement de nouveaux produits qui contribueront à la transformation de l'économie grâce à des subventions ne constitue pas forcément une démarche néfaste. Comme pour l'éolien ou le solaire, ce sont les pouvoirs publics qui ont permis de faire baisser les coûts et de rendre ces produits compétitifs. Un équilibre délicat doit donc être trouvé, afin de ne pas mettre en place des mesures qui entraîneraient des distorsions sur le commerce, ce qui risquerait d'avoir des effets sur les coûts et de rendre les dépenses publiques inefficaces.
S'agissant de la taxation des multinationales, je peux seulement vous dire que le pilier concernant le taux minimum est en meilleure position que celui visant à réallouer des taxations, puisque ce sujet suscite des désaccords sur certaines modalités.
J'ai très peu à vous dire sur la Russie, en dehors des chiffres que nous avons indiqués. Ce point fera possiblement l'objet de la prochaine réunion de notre comité des politiques économiques, qui pourra déboucher sur des prévisions.
En ce qui concerne le resserrement de la politique monétaire, les événements qui ont concerné récemment les banques américaines constituent finalement une alerte salutaire, c'est-à-dire sans trop de dommages produits. S'il existait des raisons spécifiques qui ont créé ces difficultés, ces problèmes auraient dû faire l'objet d'une réglementation. Ainsi, la définition même des institutions financières systémiques ou non systémiques a ses limites et comporte des risques. Pour répondre à votre question, si on observe actuellement une plus grande prudence de la part des banques centrales, il est possible qu'une augmentation des taux d'intérêt plus rapide que prévu permette d'éviter le recours à des hausses supplémentaires. Il est néanmoins encore trop tôt pour en juger.