Dès lors que le seuil de dix actions émanant d'une personne physique, au sein d'une personne morale, a été franchi, tout doit être déclaré. Je le redis, nous considérons qu'il serait plus simple et plus légitime de raisonner à partir de l'activité de la personne morale, c'est-à-dire du représentant d'intérêts lui-même, plutôt que de celle des personnes travaillant au sein de cette entité.
Nous contrôlons, depuis le 1er février 2020, la mobilité entre le secteur public et le secteur privé. Tout projet de reconversion professionnelle d'un membre d'un cabinet ministériel ou de celui du Président de la République doit obligatoirement être soumis à l'avis de la HATVP. Nous pouvons être amenés à considérer qu'une personne ayant eu des échanges très réguliers avec une entreprise s'expose à un risque pénal, voire à un risque déontologique élevé. La Haute autorité a déjà rendu, pour ces motifs, un certain nombre d'avis d'incompatibilité.
L'instruction que nous réalisons protège l'intéressé comme l'administration. J'évoquerai le cas de Mme Bachelot-Narquin, sur lequel la presse et des responsables publics s'étaient interrogés. Avant d'être ministre, elle effectuait des prestations sur France Musique, qui appartient au groupe Radio France. Elle a souhaité reprendre cette activité après avoir été ministre. Nous lui avons répondu que, si des activités dans des médias ne bénéficiant d'aucun soutien de la part de l'État ne soulevaient pas de difficultés particulières, le fait de devenir la salariée de Radio France faisait courir, en revanche, un risque pénal très élevé. En effet, si un agent de Radio France avait engagé un recours, elle aurait pu être convaincue de prise illégale d'intérêts, puisqu'en tant que ministre de la Culture, elle avait la tutelle de Radio France. En exprimant cette incompatibilité, la HATVP a donc contribué à protéger la ministre.
Nous avons toujours considéré que la question de la traçabilité des amendements relevait des bureaux des assemblées, qui, conformément au principe d'autonomie, définissent leurs propres règles s'agissant du droit constitutionnel d'amendement. Le bureau de l'Assemblée nationale a adopté un certain nombre de règles, à l'initiative de Sylvain Waserman, qui a effectué un travail approfondi en la matière. La Haute autorité ne s'autorise donc pas à émettre un avis sur ce sujet. À titre personnel, lorsque j'étais rapporteur général, puis président de la commission des finances, j'ai vu beaucoup d'amendements de ce type, venant de l'ensemble des groupes politiques, qui reprenaient parfois la même faute de frappe. Il me semble pertinent d'envisager des procédures visant à réguler ces pratiques, qui ont cours depuis très longtemps.
En revanche, les initiatives émanant des représentants d'intérêts sont susceptibles de faire l'objet d'une déclaration, dès lors qu'elles peuvent être considérées comme des entrées en communication et comme des actions cherchant à influencer une disposition législative ou réglementaire : le dispositif d'encadrement par la HATVP s'applique alors, notamment si le représentant d'intérêts prend l'initiative d'adresser son amendement à de nombreux députés ; s'il l'adresse à l'ensemble d'entre eux, cela fait 577 entrées en communication. Le représentant d'intérêts doit donc les déclarer sur le répertoire.
La facturation de la mise en relation par les représentants d'intérêts est quant à elle une pratique classique : elle constitue le cœur de l'activité de certains cabinets et gagnerait à être plus transparente. Les invitations à déjeuner d'un membre d'un cabinet ministériel ne sont pas interdites : les guides déontologiques que nous éditons recommandent que l'agent public ainsi sollicité en informe sa hiérarchie et que le prix demeure raisonnable – par exemple, une invitation dans un grand restaurant peut poser problème.
Le dispositif s'applique aux cabinets d'avocats dès lors qu'ils remplissent les critères d'identification des représentants d'intérêts définis par les textes. Comme je l'avais indiqué devant la commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, un certain nombre de cabinets de conseil sont inscrits sur le répertoire des représentants d'intérêts – au même titre que des ONG, des associations et des organisations professionnelles.
Les activités de représentation d'intérêts doivent être déclarées même lorsqu'elles sont accomplies pour le compte d'un tiers. Trois types d'actions sont considérés comme des communications susceptibles de constituer des actions de représentation d'intérêts : une rencontre physique, quel que soit le contexte dans lequel elle se déroule ; une conversation téléphonique, par visioconférence ou par l'intermédiaire d'un service de communication électronique ; un courrier électronique ou un message privé par l'intermédiaire d'un service de communication électronique. Cette liste inclut l'interpellation directe et nominative d'un responsable public sur un réseau social.