Vous nous avez confié la mission de contrôler les mobilités entre les secteurs public et privé. Les pratiques diffèrent en effet selon les pays. Il existe parfois un délai de carence de six mois ou d'un an pendant lequel un responsable public n'a pas le droit d'exercer des activités de lobbying, par exemple. En France, le législateur a fait le choix du contrôle des mobilités, qu'il juge, au demeurant, souhaitables et qui sont, le plus souvent, encouragées, tout en étant encadrées. Un certain nombre de responsables publics, parmi lesquels les ministres et les présidents des exécutifs locaux, doivent soumettre à l'avis de la Haute autorité leur projet de reconversion professionnelle. Je ne pense pas que cette procédure freine la mobilité. La Haute autorité conclut, dans la plupart des cas, à la compatibilité avec la fonction envisagée, parfois avec un certain nombre de réserves. Elle ne délivre un avis d'incompatibilité que pour 8 à 9 % des projets de reconversion professionnelle ; cela représente 5 % de l'ensemble des avis qu'elle rend en matière de mobilité. On ne peut pas dire que cela décourage la réalisation des projets.
Le législateur nous demande de prendre en considération le risque pénal, notamment celui de la prise illégale d'intérêts. Ce délit n'existe pas dans tous les pays qui nous sont comparables. Les articles 432-12 et 432-13 du code pénal interdisent à un responsable public de rejoindre une entreprise pour laquelle il aurait pris une décision, exprimé un avis ou un conseil. À lire la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, on constate que les condamnations peuvent être sévères. Lorsque le risque pénal est avéré, nous concluons à l'incompatibilité.
Nous apprécions également le risque déontologique sous deux aspects. D'une part, nous regardons si le responsable public a préparé son départ alors qu'il était en fonctions. Le cas échéant, cela a pu le conduire à prendre des décisions favorables envers l'entreprise qu'il souhaite rejoindre. D'autre part, nous vérifions que le projet professionnel qui nous est soumis n'est pas susceptible de remettre en cause la perception que l'on peut avoir de l'indépendance et de la neutralité de l'administration. Pour définir le conflit d'intérêts et apprécier les risques existants en la matière, le législateur nous demande de prendre en considération l'apparence.
La Haute autorité est non seulement indépendante mais aussi collégiale. Après l'instruction des services, la décision est prise par un collège composé de personnalités désignées par les assemblées générales du Conseil d'État et de la Cour de cassation, la chambre du conseil de la Cour des comptes, ainsi que par les présidents des assemblées parlementaires et le Gouvernement. Ses décisions, qui sont susceptibles de faire grief, peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État.
Le législateur a prévu un dispositif équilibré. Le contrôle perdure trois ans après la cessation des fonctions.