Je vous remercie de me faire l'honneur de pouvoir expliquer à la commission d'enquête la façon dont un cabinet d'études et de conseil comme Asterès travaille. Je suis particulièrement heureux de pouvoir rétablir un certain nombre de vérités concernant la relation d''un cabinet comme le nôtre avec les entreprises en général et avec Uber en particulier.
La société Asterès, que j'ai fondée en 2006 et dont je suis le principal actionnaire, a réalisé l'étude Uber en 2016. Elle a pour objet de réaliser des études économiques à la demande d'entreprises ou de fédérations professionnelles. Elle s'appuie actuellement sur sept salariés, dont cinq chargés d'études salariés à temps complet et un directeur d'études. Elle s'occupe de 40 clients par an en moyenne, ce qui représente une quarantaine d'études par an. Elle travaille en moyenne sur 8 études simultanément sur un panel de secteurs larges.
De manière plus concrète, une entreprise ou une fédération professionnelle contacte Asterès, pour qu'elle réalise une étude qui peut relever d'une question stratégique confidentielle ou d'une démarche de communication, voire de lobbying. Dans le cas débattu, Uber avait demandé, en 2015, la réalisation d'une analyse de l'économie de ses plateformes dans le domaine des VTC, en mettant l'accent sur les mécanismes de destruction créatrice schumpetérienne et en assortissant ce travail de propositions. Ladite étude a été publiée en janvier 2016. Facturée 10 000 euros hors taxes, elle s'intitulait : « Uber - Une innovation au service de la croissance ». Elle s'accompagnait du sous-titre suivant : « Réguler les VTC pour répondre aux défis économiques ».
J'ai transmis à la commission d'enquête le contrat et la facture correspondante. Le travail demandé par Uber consistait en une analyse explicative des phénomènes économiques à l'œuvre. L'étude réalisée se composait de trois parties. La première, à portée générale, était consacrée aux mécanismes de destruction créatrice appliqués aux plateformes, et plus particulièrement au secteur des VTC. La deuxième portait sur les perspectives d'emploi dans le domaine des VTC au sein des pays développés. La troisième prenait la forme de propositions de régulation pour améliorer le fonctionnement des plateformes, dont le caractère oligopolistique nous intéressait tout particulièrement. Pour information, les études de cette nature peuvent donner lieu à des présentations devant les parlementaires ou devant la presse.
Nos équipes travaillent en totale indépendance. Cette dernière est d'ailleurs contractuelle. Ainsi, nous ne nous engageons jamais sur un résultat préalable. Nos conclusions ne sont ainsi délivrées qu'au terme de nos analyses. Si l'un de nos clients insistait pour faire évoluer nos conclusions, je mettrais immédiatement fin à la relation commerciale qui nous unit, comme cela a déjà pu être le cas par le passé. Le contrat liant Asterès et Uber, que je vous ai transmis, stipulait ainsi : « Asterès ne peut s'engager sur le résultat d'une étude avant de l'avoir réalisée. Nous ne délivrons nos conclusions qu'au terme d'une analyse ». À titre personnel, j'étais très favorable à l'ouverture du marché aux VTC. En tant que libéral en effet, je suis favorable à la libre entreprise, à l'innovation et à la concurrence. Cela ne remet toutefois pas en cause l'indépendance de mon équipe.
Par souci de transparence, nous appliquons, de manière systématique, deux principes, à savoir la publication du financeur de l'étude et la publication des sources, afin qu'elles puissent être contestées. En général, nous utilisons des sources publiques. Il arrive toutefois que nous utilisions des sources d'entreprise. Tel a été le cas dans le cadre de l'étude menée pour Uber. En effet, seule cette dernière pouvait nous apporter des informations sur le nombre de chauffeurs par exemple. En complément, nos clients signent une charte éthique, qui garantit notre indépendance.
J'ai entendu ou lu dans la presse que nous aurions été payés par Uber pour aboutir à des conclusions lui convenant, ce qui est à la fois faux et absurde. D'ailleurs, l'étude le démontre, puisque plusieurs de ses passages allaient à l'encontre de ses intérêts. Ainsi, en page 5, il était indiqué : « Nous proposons une accentuation de la régulation des plateformes numériques pour réduire l'économie grise ». En page 31, il était écrit : « Nous demandons la transformation d'Uber Pop en Uber, afin que les chauffeurs paient des charges ». Nous plaidions également, dans l'étude, pour que les taxis aient le monopole de la maraude physique et de l'utilisation des couloirs de bus. Enfin, en page 30, nous demandions qu'il soit mis fin à l'optimisation fiscale pratiquée par Uber.