Ce qui m'a fasciné dans cette enquête, c'est le problème chronologique qu'on peut y voir. Alors qu'un sujet est diffusé en novembre, la Team Jorge – ou Tal Hanan – joue les ventriloques et dit, mais en décembre : « Regardez, il a dit en novembre ce que l'on avait prévu qu'il dirait, et je vous le prouve. » Que des personnes utilisent des extraits de journaux et prétendent que ce sont eux qui les ont inspirés, c'est proprement hallucinant. Concrètement, c'est comme si j'utilisais l'enregistrement de cette commission – si elle était enregistrée – et que, dans deux mois, j'en prélevais des extraits pour dire : « Regardez, à ce moment-là, je vais être interrompu par M. le député ! »
Ce à quoi nous avons assisté, en Israël, c'est au boniment d'un marchand de meubles ou de voitures, qui prend un journal diffusé un mois plus tôt, qui se l'approprie et qui dit au client, en l'occurrence M. Métézeau : « Attention, il va dire cela ! » Avant de conclure : « Voilà ce que nous sommes capables de faire ! » C'est cela, la démonstration qui a été faite. Je ne vois pas trop où est la profondeur de l'enquête journalistique. Celle-ci, qui était censée mettre en lumière des failles incroyables et des ingérences étrangères surréalistes, a fait de Rachid M'Barki une sorte d'agneau sacrificiel, de victime expiatoire. Elle a ensuite révélé qu'une tribune parue dans Valeurs actuelles avait servi à discréditer l'action du Comité international de la Croix-Rouge au Burkina Faso. Et depuis, quasiment rien d'autre. Autant de journalistes, de plus de trente médias parmi les plus prestigieux – Le Monde, Radio France, El Pais, La Stampa … –, ont donc été réunis pour, finalement, ne montrer que quelques extraits d'un journal télévisé et pour répéter, a posteriori, ce que le journaliste avait dit lors de ce journal.
Factuellement, cette enquête, c'est quoi ? Elle se résume à la démarche d'un journaliste qui est allé voir Marc-Olivier Fogiel, qui lui a montré des images et qui lui a dit : « Voilà ce que des gens sont capables de faire. » Mais il n'a rien démontré du tout ! Lors de son premier entretien avec la direction de BFM TV, M. Rachid M'Barki ne voit même pas de quoi il est question. Ce n'est pas un truand, habitué à argumenter et à défendre ses positions. Lorsque Marc-Olivier Fogiel lui montre les images, il reconnaît qu'elles sont extraites de ses off et qu'il les a obtenues dans des kits presse, avec des éléments de langage, fournis par Jean-Pierre Duthion. Mais où est le lien de causalité ?
J'ai vu des enquêtes aux États-Unis sur de vraies manipulations. En quoi cela consiste-t-il ? À décider maintenant, tous ensemble, du contenu d'un sujet, par exemple sur un paquebot Costa Croisières, d'en écrire le texte puis, à l'heure dite, d'assister à la diffusion dudit sujet. Qu'ont fait les journalistes de l'enquête Story killers ? Ils sont allés voir une entreprise qui leur a expliqué – j'ai lu l'intégralité du dossier – comment réaliser des émojis et des avatars que l'on savait faire il y a cinq ans et comment faire remplir trois comptes Facebook et cinq comptes Twitter par des Pakistanais – parce que ça coûte moins cher que l'intelligence artificielle. Et ce sont ces gens-là qui vous disent : « Forbidden Stories a sorti l'affaire du siècle ! » C'est ça l'affaire du siècle : Rachid M'Barki et des sujets diffusés à minuit un mois plus tôt ?