Je vous remercie vivement de me permettre d'aller plus avant dans mon propos : vous avez raison, peut-être me suis-je trop focalisé sur mon cas personnel.
Il existe des règles très claires et un cadre précis pour les personnes en relation avec des élus, grâce à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ce que je retiens de mon activité, c'est que ce cadre n'existe pas quand il s'agit des relations avec la presse, les médias. Le consortium Forbidden Stories a même révélé que, par l'entremise de la plateforme Getfluence, des annonceurs pouvaient placer, moyennant un paiement effectué sur internet et en l'absence de tout contact humain, des articles dans des supports comme Elle, Valeurs actuelles ou Le Journal du dimanche en s'affranchissant de la mention « contenu sponsorisé », articles qui par conséquent n'engagent que la personne qui les rédige. Je suis d'ailleurs étonné que la révélation de cette pratique ne fasse pas plus de bruit – non au sein de cette commission d'enquête, puisque vous en avez parlé, mais au-delà.
On nous explique en permanence que les joueurs de football doivent percevoir des fortunes, car ce sont eux qui font le spectacle. Aujourd'hui, ceux qui font le spectacle sur les réseaux sociaux, sur les chaînes de télévision ou à la radio, ce sont les journalistes. Or, non seulement ces journalistes ne sont pas – financièrement – les principaux bénéficiaires de ce spectacle, mais ils sont même, en France, de plus en plus précarisés. Dans le même temps ils sont sollicités de toutes parts ; ils reçoivent sans cesse des invitations à des spectacles, à de grands événements sportifs, à des manifestations diverses, à des colloques à l'étranger, au Qatar, en Chine ou aux États-Unis. Il serait intéressant de connaître la teneur des articles qu'ils écrivent à l'issue de ces soirées, de ces week-ends ou de ces voyages.
Lorsque Renaud Girard, pour ne pas le nommer, est convié au Qatar pour animer une séquence du Forum de Doha, on est en droit de se demander combien il touche pour ce « ménage » – comme disent les journalistes –, comment cette animation se déroule sur place et quelle est ensuite son attitude, en tant qu'expert en politique étrangère et en relations internationales du Figaro, vis-à-vis de ce même Qatar. Voilà de vraies questions. Je ne cherche pas à minimiser l'importance de mes relations avec Rachid M'Barki, mais cet exemple est révélateur d'un fonctionnement et de pratiques qui se sont institutionnalisés. De même, TF1 envoie de jeunes journalistes dans certains pays – dont je tairai les noms – pour découvrir ce que sont les relations internationales. Comment peut-on espérer qu'à leur retour en France ces journalistes auront une approche apaisée, réfléchie, équilibrée de ces relations internationales ?