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Intervention de Raphaël Glucksmann

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 18h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Raphaël Glucksmann, président de la commission spéciale INGE 2 :

Nous sommes dans une forme de guerre hybride, qui n'est à proprement parler ni une guerre chaude ni un état de paix. Il est très difficile de qualifier cette conflictualité radicale et la question se pose, en effet, de redéfinir ce qui est licite et ce qui ne l'est pas.

Par exemple, au sein de la commission que je préside, nous nous interrogeons depuis longtemps sur les activités possibles des anciens dirigeants. S'il n'est pas envisageable de leur interdire de travailler dans le secteur privé – il n'est pas question d'en faire des pensionnés à vie ! –, le droit actuel n'en est pas moins problématique. Dès lors que le chancelier allemand, qui contribue aux décisions portant sur la politique énergétique européenne, peut aller travailler pour le principal bénéficiaire de ses choix, un problème de sécurité et de souveraineté se pose. À titre personnel, je considère que ce n'est pas pareil d'aller travailler pour une entreprise de tulipes aux Pays-Bas ou une entreprise de bois en Norvège que pour Gazprom.

Un tel point de vue supposerait l'établissement de listes d'entités dangereuses élaborées à partir de critères objectifs. Il en va de même des investissements : ceux d'un céréalier brésilien et de Cosco Shipping ne présentent pas le même risque. Cette redéfinition de l'illicite supposerait d'assumer une forme de conflictualité politique, par exemple, avec les régimes russe ou chinois, d'où la très forte réticence à s'engager dans cette voie. Je comprends le caractère politiquement explosif qu'aurait la publication d'une telle liste.

La période de « refroidissement » de six mois pendant laquelle les anciens dirigeants, au terme de leur mandat, ne peuvent pas travailler pour une entreprise qui fait du lobbying auprès du Parlement européen est dérisoire. Six mois, c'est le temps de digérer une défaite électorale et de partir en vacances ! Si Gerhard Schröder avait dû attendre six mois au lieu de trois, je ne vois pas en quoi l'histoire aurait été vraiment différente. Même si toute évolution des notions de licite et d'illicite est délicate, les parlements doivent y réfléchir.

Nous sommes sur une ligne de crête dès lors qu'il convient de respecter la pluralité des opinions, la relativité des conceptions de la vérité – depuis les Grecs, l'espace public démocratique est étranger à tout rapport de type religieux avec la vérité – et un impératif de protection. Vous avez le droit de penser que la terre est plate mais si un État étranger organise une campagne pour que des millions de gens pensent ainsi, le législateur et les gardiens de la cité sont confrontés à un problème. C'est d'ailleurs pourquoi je préfère la formule « campagne de manipulation de l'information » à celle de « fake news » : on a le droit de se tromper, de partager des informations fausses et même d'avoir un avis contredisant un consensus scientifique, mais il ne doit pas être possible, pour des acteurs organisés, de mener des campagnes visant à induire en erreur la population afin de servir des intérêts étrangers en propageant certaines opinions.

Il est évident que des problèmes se posent en matière de financement de certaines associations de la société civile et de think tanks. Si nous voulons que le débat public soit honnête, nous devons disposer de certaines informations. Il est normal de savoir qu'un think tank est financé par un régime étranger car l'origine des fonds peut influer sur les analyses produites. Sur cette question, la transparence, nous cherchons à faire évoluer le règlement du Parlement européen à travers le registre de transparence.

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