Il ressort des travaux de la commission spéciale INGE 1 que certains États mènent de façon continue une politique d'influence ou d'ingérence dans les processus démocratiques européens, par des moyens licites ou illicites. Nous en voyons des exemples concrets : je pense notamment au « Qatargate » ou « Marocgate » pour le Parlement européen, ou encore au « Caviargate » pour le Conseil de l'Europe. Il existe aussi une deuxième sorte d'ingérence, violente et brutale, qui prend depuis longtemps la forme d'une déstabilisation du pays ciblé dans le cadre d'une stratégie du chaos. Elle passe par toute une série d'instruments, en particulier par la manipulation de l'information, la fabrication de faux comptes sur les réseaux sociaux, la mobilisation de fermes à trolls et l'utilisation de médias qui ne sont en réalité que des outils de propagande, tels que Sputnik et RT pour la Russie. Vous avez également souligné la confusion entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'état de guerre et l'état de paix. Il faut que nos concitoyens, en particulier les élites, les élus et toutes les personnes exerçant une quelconque responsabilité dans nos démocraties, soient pleinement conscients de cette réalité. Vos travaux, comme ceux que nous essayons très modestement de mener, participent à cette nécessaire sensibilisation.
Il convient aussi de désigner un certain nombre d'États qui se livrent plus que d'autres à ce type d'opérations. Vos premières conclusions ont clairement désigné la Russie comme le principal acteur, ou l'un des principaux acteurs, de la déstabilisation des processus démocratiques européens, qu'il s'agisse des processus nationaux ou du fonctionnement des institutions européennes. Le président a cité l'un des considérants de votre proposition de résolution. La même information est détaillée à la page 65 du rapport de la commission spéciale INGE 1 : selon le rapport 2020 de l'Alliance pour la sécurité de la démocratie, l'un des think tanks faisant autorité dans ce domaine, portant sur les fonds occultes en provenance de l'étranger, « plus de 300 millions de dollars ont déjà été déversés dans trente-trois pays au cours de la dernière décennie par la Russie, la Chine et d'autres régimes autoritaires pour s'ingérer dans les processus démocratiques à plus de cent reprises, et la moitié de ces cas concernent des actions de la Russie en Europe ».
Vous avez également fait une allusion qui corrobore des informations que nous avons obtenues lors d'autres auditions : il existerait un accord ou une coopération étroite entre certains milieux russes – certains oligarques – et plusieurs partis de droite extrême ou d'extrême droite en Europe. On peut citer notamment le parti libéral autrichien Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ), la Ligue du nord italienne, le Rassemblement national en France ou le Parti des Finlandais, mais il y en a d'autres… Comment votre commission spéciale a-t-elle pu éclairer l'orchestration, par le Kremlin ou par les cercles très proches du président Poutine, de la coopération, du ciblage et peut-être même du financement, licite ou illicite, de ces formations politiques d'extrême droite ou de droite extrême ? On a beaucoup entendu parler des tentatives de l'oligarque russe Malofeïev, qui ont d'ailleurs connu un succès relatif et ont évidemment cessé après l'entrée de l'armée russe en Ukraine, le 24 février 2022.