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Intervention de Pierre Dupuy

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Pierre Dupuy, directeur général de l'Association des chambres de commerce et d'industrie des outre-mer :

Je regrette de ne disposer de données comptables relatives aux ressources humaines consolidées que pour les cinq départements d'outre-mer (DROM). Les CCI des cinq DROM totalisent 750 équivalents temps plein et 186 élus au service de 150 000 ressortissants des cinq territoires.

Ces services publics qui accompagnent les entreprises des secteurs du commerce, de l'industrie et des services sont gérés par des chefs d'entreprise élus par leurs pairs pour une durée de cinq ans. Leurs missions, définies à l'article L. 710-1 du code de commerce, sont le conseil, l'information et accompagnement des entreprises et des entrepreneurs, l'appui et le conseil à l'internationalisation des entreprises, la formation professionnelle initiale et continue, la représentation des intérêts des entreprises et la gestion d'équipement.

S'y ajoute l'Association des CCI des outre-mer, association loi de 1901, créée en 2011, dont j'assume la direction. Elle a pour mission de représenter les intérêts collectifs des chambres de commerce et d'industrie dans les collectivités d'outre-mer (COM), qu'il s'agisse des DROM ou des collectivités d'outre-mer et de coordonner les travaux réalisés en commun par les CCI ultramarines. Lors de la crise sanitaire, nous avons ainsi publié un livre blanc concernant la situation des outre-mer.

La question de la cherté de la vie dans les DROM ou dans les COM ne relève pas directement de la compétence des CCI. Nous la traitons incidemment dans le cadre de notre action pour les relations interentreprises.

Nous participons aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) instaurés par la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite « loi Lurel ». Dans certaines CCI, des observatoires économiques établissent des statistiques sur l'activité, et nos élus en ont connaissance par le biais de notre activité quotidienne au contact des chefs d'entreprises.

Les causes de la cherté de la vie sont connues mais difficiles à contrer : l'isolement géographique lié à l'éloignement et aux difficultés d'accès aux territoires, dont l'éloignement des grandes lignes maritimes pour l'approvisionnement en biens, les risques environnementaux et sociaux accrus, l'étroitesse des marchés locaux limitant les économies d'échelle pour les entreprises, la faiblesse des revenus, notamment à cause d'un taux de chômage élevé, la faiblesse de la productivité de facteurs de production comme le travail ou le capital, le manque de productivité des économies, ce qui renchérit les coûts de production et la fiscalité locale qui pèse sur les prix à la consommation.

Sans remettre en question l'existence de l'octroi de mer, nous avons identifié trois difficultés qui appelleraient une réforme – rappelons qu'il convient de distinguer l'octroi de mer interne, pour les biens produits et vendus sur le territoire, de l'octroi de mer externe, applicable aux biens d'importation.

Tout d'abord, le fait que la base fiscale de l'octroi de mer externe soit le prix coût, assurance et fret (CAF), qui inclue le prix des assurances sur les biens importés et le prix du fret, a eu un effet procyclique dans la crise que nous traversons. Quand la crise sanitaire a accru sensiblement le prix du fret, le produit de l'octroi de mer externe a augmenté mécaniquement sans grande incidence sur la protection des productions locales.

Ensuite, nous considérons qu'un choix doit être opéré entre deux objectifs concurrents et paradoxaux, puisque l'octroi de mer est la fois un impôt de rendement, générateur de recettes pour les collectivités locales, et une taxe protectrice de la production locale. Cette double étiquette conduit à une situation paradoxale. Des taux élevés pèsent sur des biens non produits en outre-mer mais aussi sur des biens de première nécessité, produits en outre-mer, qui doivent être protégés. Au contraire, il conviendrait de moins taxer les biens qui pèsent le plus lourdement dans le budget des ménages les plus pauvres, pour réduire le coût de la vie. Le dispositif manque de cohérence parce qu'il vise trop d'objectifs à la fois.

Enfin, indépendamment de sa taille, une production locale peut justifier un écart de taux entre l'octroi de mer interne et l'octroi de mer externe, afin de protéger des structures qui produisent l'équivalent d'un point de part de marché. On renchérit le coût de la vie en taxant des importations sans favoriser l'activité. Les collectivités locales doivent observer une discipline dans la fixation des taux d'octroi de mer et opérer des choix stratégiques rationnels.

Le coût de la vie n'est pas seulement une question de prix, mais aussi de revenus, compte tenu, non seulement des taux de chômage sensiblement plus élevés dans les départements et collectivités d'outre-mer que dans l'Hexagone, mais aussi de la spécialisation des économies, laquelle explique en bonne partie les différences de revenus entre l'Hexagone et les outre-mer.

Enfin, si l'intégration régionale des outre-mer permettrait de réduire les coûts, il convient de veiller à ne pas pénaliser les entreprises ultramarines qui subissent la concurrence des pays voisins, et ne pas remettre en question la capacité des entreprises ultramarines à s'insérer dans le marché français et européen en créant des dérogations aux normes qui nous feraient sortir du marché unique européen.

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