Intervention de Christel Colin

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) :

Je vous remercie de nous avoir conviés à cette audition.

L'Insee est chargé de produire et diffuser des statistiques sur les cinq départements et régions d'outre-mer comme sur l'ensemble des régions et départements de France métropolitaine. Pour ces collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, l'Insee a les mêmes obligations que pour la France métropolitaine.

Sur les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, ainsi que pour la Nouvelle-Calédonie, les obligations juridiques explicites de l'Insee en matière de statistiques concernent la réalisation du recensement de la population et le calcul des populations légales et, en ce qui concerne Saint-Martin, les règlements statistiques européens, lesquels couvrent le territoire économique européen composé de la France métropolitaine et des six régions ultrapériphériques françaises, les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM) et Saint-Martin.

L'Insee produit des statistiques sur les revenus, la consommation et les prix à la consommation pour chacun des DROM. De manière générale, l'Insee déploie les mêmes outils et protocoles pour les DROM que pour la France métropolitaine, dans la mesure du possible. Pour établir ces statistiques, l'Insee s'appuie d'une part sur des enquêtes par sondage réalisées directement auprès d'un échantillon de personnes ou d'entreprises, et d'autre part sur l'exploitation de données administratives, données de gestion dont l'objectif premier n'est pas la statistique, par exemple les données fiscales ou portant sur les prestations sociales, mais qui peuvent être utilisées pour établir des statistiques.

Certaines adaptations sont toutefois nécessaires. Ainsi, les DROM, notamment Mayotte, sont parfois absents de certaines sources administratives. Aussi, certaines sources administratives sont de moindre qualité dans les DROM en termes d'exhaustivité (il peut manquer des personnes), de traits d'identité (noms, prénoms, date et lieu de naissance incomplets) ou d'adressage (adresses manquantes ou incomplètes). C'est par exemple le cas pour les sources fiscales utilisées pour établir les statistiques sur les revenus des ménages et la pauvreté, et le dispositif d'observation est donc différent entre la métropole et les DROM.

Il faut souligner que l'Insee produit des statistiques dans les DROM qui n'ont pas d'équivalent dans les régions de l'Hexagone. Ainsi, des indices des prix à la consommation, servant à mesurer l'inflation, sont calculés et diffusés chaque mois pour chaque DROM, en tenant compte des spécificités des structures de consommation locales, ce qui n'est le cas pour aucune autre région de France. En outre, des enquêtes de comparaison spatiale des niveaux de prix y sont réalisées tous les cinq à six ans ; nous y reviendrons en détail.

De plus, des comptes économiques régionaux plus élaborés que dans les autres régions sont établis dans les départements d'outre-mer (DOM), ainsi que des comptes rapides. Enfin, en matière d'enquêtes auprès des ménages, un accord-cadre entre l'Insee et la direction générale des outre-mer prévoit, avec des financements à l'appui, des extensions d'échantillons pour une enquête nationale par an, comme l'enquête Budget des familles ou l'enquête Santé. Grâce à ces extensions d'échantillon, il est possible de diffuser les résultats de ces enquêtes pour chaque DROM, ce qui n'est pas le cas dans les autres régions.

Après cette introduction, nous souhaitons vous présenter des éléments sur les revenus et les prix à la consommation dans les départements et régions d'outre-mer. Nous pourrons bien sûr détailler certains points en fonction de vos questions. Les documents que nous vous transmettrons par ailleurs comprennent davantage de détails sur les chiffres et des références de publications.

Les habitants des DROM ont globalement un niveau de vie plus faible qu'en métropole et les inégalités y sont plus marquées, surtout en Guyane et bien plus encore à Mayotte. Selon l'enquête Budget de famille de 2017 qui permet une comparaison entre les différents DROM et la métropole, le niveau de vie médian, qui partage la population en deux parties égales, se situe en Martinique et en Guadeloupe respectivement à 1 360 et 1 310 euros mensuels, soit 20 % et 23 % de moins que le niveau de vie médian en France métropolitaine (1 700 euros par mois).

Celui de La Réunion (1 160 euros mensuels) est inférieur d'un tiers au niveau de vie médian de métropole et celui de la Guyane de moitié. À Mayotte (260 euros), il ne représente qu'un sixième de la valeur métropolitaine. Ces niveaux incluent l'ensemble des revenus, y compris les prestations et les prélèvements directs en sont déduits.

Le niveau des revenus plus faible qu'en métropole va de pair avec un taux de pauvreté monétaire plus élevé. Pour rappel, le taux de pauvreté est la proportion d'individus dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Calculé en référence au seuil national – le seuil calculé pour l'ensemble de la France–, le taux de pauvreté monétaire est de 34 % en Guadeloupe, 33 % en Martinique, 42 % à La Réunion, 53 % en Guyane, 77 % à Mayotte contre 14 % en métropole. On peut aussi utiliser des seuils locaux, par territoire, ce qui conduit à des taux inférieurs.

À ce niveau de revenu plus faible dans les DROM correspond également un niveau de consommation plus faible par ménage : aux Antilles, en Guyane et à La Réunion, les dépenses de consommation par ménage sont inférieures d'environ 15 % à la métropole et de 50 % à Mayotte.

Quand on regarde la structure de la consommation des ménages dans les DROM, les quatre principaux postes de dépenses sont les suivants :

– les transports, au sens large, liées à l'utilisation des véhicules automobiles comme au transport aérien (18 à 20 % des dépenses, soit un peu plus qu'en métropole, où ils représentent 16 %) ;

– les produits alimentaires (16 à 17 %, proche de la moyenne de métropole, sauf à Mayotte, où l'alimentation pèse pour 25 % du budget des ménages) ;

– le logement (14 à 15 %, proche de la métropole, sauf en Guyane, où il pèse 19 %) ;

– les biens et services divers comme les assurances, les coiffeurs (15 à 16 %, proche de la métropole, sauf en Guyane où leur part est inférieure).

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion