À force de lisser un cheveu frisé, il finit par casser. Edouard Glissant disait : « La créolisation, pour moi, c'est le métissage des cultures qui produit de l'imprévu. » On ne s'attendait pas non plus, lorsque cet ensemble de normes a été importé d'Europe, à ce que les territoires d'outre-mer soient dans une telle situation de mal-développement structurel. On n'a pas suffisamment pris en compte le profil atypique de ces territoires par rapport à l'Europe. D'ailleurs, ces territoires sont très divers : ils sont situés dans des océans différents, ils ont un environnement particulier et une relation particulière avec les territoires voisins. Il faudrait adapter davantage les normes européennes de manière à tenir compte de l'évolution de la situation de ces territoires dans le bassin avoisinant. Trinité-et-Tobago ou la Barbade n'imagineraient jamais de produire de la même façon que la Grande-Bretagne, leur ancien empire : ils ont une évolution différente et parviennent à avoir un modèle économique qui leur ressemble davantage.
Un autre élément me semble important : les jeux d'influence restent très prégnants et biaisent un peu les effets de la politique économique. Tous les acteurs ont un comportement stratégique, mais, en l'occurrence, je veux parler des lobbies, dont plusieurs articles déplorent l'importance. Le fait qu'il en existe n'est pas un problème en soi ; ce qui est embêtant, c'est lorsque leur poids est trop important au regard du territoire. Le lobby pharmaceutique, par exemple, est extrêmement puissant par rapport à l'ensemble du territoire français, mais on n'en parle presque pas, sauf quand une affaire sort. Les lobbies des territoires d'outre-mer sont quant à eux bien implantés et structurés sur place ; ils ont également de bonnes relations avec le ministère de l'agriculture et celui de l'outre-mer, ainsi qu'avec le Premier ministre ; ils ont des connexions à l'échelon européen. Cela introduit un biais dans la prise de décision, qui empêche de rechercher l'efficacité – non pas pour les acteurs économiques principaux, mais pour les ménages, dont personne ne parle, d'ailleurs, sauf en cas d'éruption sociale.