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Intervention de Olivier Sudrie

Réunion du vendredi 24 mars 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Olivier Sudrie :

Je répondrai sur la longueur de la chaîne plutôt que sur les délais de paiement des collectivités locales, dont je ne suis pas spécialiste.

Si l'on pouvait soupçonner l'existence d'une entente, l'Autorité de la concurrence serait en droit de se saisir du problème. À ma connaissance, elle ne l'a pas fait. J'ignore s'il existe une entente entre les opérateurs sur toute la chaîne. Ce qui est sûr, c'est qu'ils vivent en bon entendement, car ils travaillent ensemble depuis de nombreuses années.

L'intégration régionale, sur laquelle j'ai eu l'occasion de me pencher lors de la réalisation de diverses études, est un serpent de mer évoqué depuis trente ans, non seulement dans les DOM, mais aussi en Afrique. À quels problèmes se heurte l'augmentation des flux d'échanges avec les pays limitrophes ? Si l'on s'approvisionne au Brésil ou dans les îles de la Caraïbe, normalement les frais logistiques et d'approche devraient baisser. À l'achat, certes, mais nous aurons du mal à leur vendre des produits. Peut-on imaginer une intégration régionale ne marchant que dans un sens ? J'ai des doutes. Si vous achetez dans les îles de la Caraïbe, il faut vendre dans les îles de la Caraïbe.

Sur l'achat, je n'ai qu'un élément de réponse, soit dit sans vouloir franchir la limite de mes compétences : la question du respect des normes européennes se pose. On est européen ou on ne l'est pas. Les normes s'appliquent ou elles ne s'appliquent pas. Pour ma part, je considère que les normes protègent les consommateurs. On peut les faire évoluer, mais elles sont indispensables.

Si elles ne s'appliquent pas sur un territoire d'un État membre de l'Union européenne, quid de l'exportation de ses produits ? Il s'agirait d'une forme de cheval de Troie. Accepterait-on qu'un produit martiniquais soit exporté en métropole, sachant que certains des inputs utilisés pour sa fabrication ne sont pas aux normes ? La limite du système apparaît clairement. Le problème s'est posé il y a plusieurs années avec les produits issus de l'île Maurice, amenant l'OCDE à définir ce qu'est un produit national. Il ne suffit pas d'apposer une étiquette sur un produit chinois pour dire qu'il a été fabriqué hors de la République populaire de Chine.

Sur le commerce régional à l'export, nous nous heurtons, si vous me permettez cette expression, à la face nord de l'Himalaya. Nous ne sommes pas compétitifs. La plupart des pays de cette région ont un niveau de vie très bas et des prix bien plus faibles que les nôtres. Outre les barrières tarifaires et non tarifaires qu'ils imposent, ce qui est leur droit, ils ont recours à un autre phénomène de protection naturelle, que j'ai récemment étudié dans l'arc antillais : le taux de change. Leurs monnaies sont sur-dévaluées, ce qui favorise leurs exportations et renchérit les prix des produits libellés dans leur monnaie basse. Y vendre nos produits n'est pas impossible, mais très difficile.

Nos économies ultramarines sont inward looking ; elles sont tournées vers la satisfaction du marché intérieur, qui est le plus facile d'accès. Exporter des jus de fruits ou des produits agroalimentaires dans les pays voisins de la Caraïbe ou au Brésil me semble très difficile.

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