Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. J'aurais aimé que nous cadrions davantage votre audition. Vous avez beaucoup parlé de causes conjoncturelles, notamment l'inflation ; je souhaite que l'on s'attaque aux causes structurelles, identifiées à l'échelle microéconomique grâce à d'importants travaux de comparaison.
Monsieur Sudrie, les deux experts que nous avons auditionnés avant vous ont développé des schémas de pensée contraires aux vôtres. Deux exemples l'illustrent.
Vous classez les sur-rémunérations parmi les causes du renchérissement du coût de la vie. Tout à l'heure, j'ai entendu dire au contraire que leur suppression aurait pour effet d'augmenter le chômage et la précarité, et de diminuer le pouvoir d'achat. Vous voyez dans le commerce électronique une solution. Or la mondialisation provoque, par le biais de l'Europe et de la France, qui sont les seuls canaux d'importation significative de ces territoires insulaires, des dégâts.
S'agissant de l'inflation, l'analyse consistant à dire que l'inflation est de 4 % en Martinique lorsqu'elle est de 6 % en France métropolitaine est biaisée. Dans les outre-mer, l'inflation est supérieure de 40 %, de manière structurelle. Si on y ajoute l'inflation conjoncturelle, on obtient le chiffre de 44 %. D'ailleurs, les sur-rémunérations ont été introduites dans les années 1950 pour compenser les difficultés résultant du coût de la vie dans ces territoires, quitte à créer une inégalité entre les secteurs public et privé. Il n'y a pas meilleure analyse, à mon avis, que les faits historiques.
Quant au commerce électronique, c'est pour moi la fin de la production locale. Nous voulons sortir des importations, et finalement nous importons tout, fût-ce par le biais du commerce électronique. La solution aux problèmes structurels est d'augmenter la productivité locale dans tous les domaines où il est possible de l'augmenter, pour moins dépendre des phénomènes extérieurs, notamment des influences négatives. J'aimerais que vous précisiez vos analyses sur ce point.
J'en viens à l' Étude sur la formation des prix que vous avez réalisée pour le compte de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Martinique. J'aimerais savoir comment vous avez déterminé la part des marges dans la formation des prix. Si j'ai bien compris, la seule information dont vous disposez, c'est le prix des marchandises à leur arrivée au port. Vraisemblablement, une marge, peut-être de l'ordre de 25 %, est réalisée au départ de la France par le producteur ou le fournisseur, car nous sommes considérés comme territoire d'exportation. Le seul fait d'arriver dans un territoire insulaire induit un coût.
Il faut y ajouter les intermédiaires, dont le nombre est considérable – il y en a trois dans l'Hexagone, mais quatorze en Martinique. Chacun d'entre eux fait sa marge. D'après l'Autorité de la concurrence, l'accumulation des marges, si petites soient-elles, pose problème. C'est d'autant plus vrai en situation d'oligopole ou de monopole : chaque petite entreprise a le même papa et la même maman, de sorte que, même si le circuit d'approvisionnement est segmenté, les mêmes propriétaires, sous des noms différents, sont responsables des éléments de la chaîne d'entreprises qui font venir le produit et le livrent aux distributeurs.
Concrètement, que pouvez-vous dire du nombre élevé d'intermédiaires et de l'accumulation des marges ? Comment calculez-vous celles-ci ? J'aimerais aussi savoir quelle est la part, dans les achats de produits de consommation courante, des produits alimentaires. S'agissant des données sur lesquelles repose votre étude, disposez-vous de chiffres plus récents que ceux publiés par l'Insee en 2015 ?
Parmi les solutions que vous proposez, j'ai entendu parler de commerce électronique, mais pas de la coopération régionale des territoires insulaires, qui me semble essentielle, compte tenu du fait que les territoires voisins sont à proximité immédiate, ce qui amoindrit considérablement les coûts logistiques et de transport.