La question de l'approvisionnement régional s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de résilience alimentaire régionale, qui représente une belle opportunité.
Concernant les blocages, le fait qu'institutionnellement, nous ne puissions participer d'égal à égal aux projets de développement de la Commission de l'océan Indien (COI) ne facilite pas les choses. En outre, nous n'avons pas affaire à des partenaires exemplaires. À Madagascar et aux Comores, il y a beaucoup de corruption, ce qui ne facilite pas les discussions. De plus, je ne sais pas dans quelle mesure les normes peuvent être harmonisées. Il existe aussi des blocages historiques de la part de lobbies qui n'ont pas intérêt à voir la production locale se développer. Le secteur de l'import distribution ne souhaite sans doute pas remettre en question un système organisé depuis les temps coloniaux, selon le schéma DOM-Hexagone, pour ne pas dire colonies-métropole.
Thomas Piketty a clairement démontré que les pauvres n'étaient pas responsables du changement climatique. De par leur mode de consommation, parce qu'ils vivent dans la précarité et la pauvreté, les Français les plus pauvres polluent moins que les Chinois les plus riches. La vraie problématique pour les populations précaires est de mieux consommer. Faute de choix, ils se tournent vers des biens alimentaires importés de mauvaise qualité, très riches en graisses, en sel et en sucres, ce qui provoque une explosion des maladies chroniques comme le diabète et l'hypertension.
Il faut rendre une consommation saine accessible aux populations précaires. L'économie circulaire peut être une solution pour lutter contre le gaspillage alimentaire et le réorienter vers les populations les plus pauvres. Je dirige actuellement une thèse qui montre que, à La Réunion, récupérer tous les invendus de supermarchés et tout ce qui pourrit dans les champs sans être consommé permettrait de composer, à très bas prix, des repas équilibrés, sains et conformes aux coutumes locales. Ils seraient mis à disposition des populations précaires par le biais d'associations, même s'il est nécessaire de développer l'aide alimentaire dans nos territoires, moins développée que dans l'Hexagone. Nous devons nous organiser davantage car les initiatives sur le terrain restent insuffisantes.
Je suis entièrement d'accord sur la différenciation et la singularité.
Concernant les loyers, la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom) a publié un rapport, en juin 2019, sur les coûts de construction des logements sociaux à La Réunion. Les facteurs de vulnérabilité structurelle sont importants – surcoûts des matières premières, foncier très coûteux –, tandis que certaines communes ne jouent pas le jeu – le poids du logement social ne reposant que sur quelques communes, le foncier se restreint et devient plus cher. Il conviendrait sans doute également que l'État renforce ses subventions. À La Réunion, les loyers sociaux sont plus chers que dans l'Hexagone, à priori en partie pour des raisons structurelles.
Je préfère parler de résilience alimentaire plutôt que d'autosuffisance car il est difficile de faire de l'autosuffisance alimentaire à l'échelle d'un seul territoire. En revanche, au niveau du bassin régional, on est capable de jouer la carte de la souveraineté alimentaire régionale plutôt que territoriale.