Le retex d'Ukraine, en cours d'élaboration, est très important pour évaluer les moyens requis. C'est un conflit de haute intensité, caractérisé par des pertes massives, et qui est donc intéressant par l'aspect technique de la prise en charge, mais aussi parce qu'il montre comment une nation est capable de monter en puissance dans le cadre d'une attaque – bref, sa résilience. Nous travaillons sur les deux aspects. Les pertes massives à l'extérieur doivent pouvoir être prises en charge chez nous, mais le déroulement sur le territoire national soulève plusieurs questions supplémentaires. Elles sont discutées au sein d'un groupe de travail dont je fais partie et qui réunit les directeurs centraux de l'Otan.
Il en ressort pour l'instant qu'il faut, comme je l'ai dit, une veille-anticipation en matière médicale, en tout cas une meilleure coordination au stade précurseur, pour capter des signaux, afin par exemple d'acheter des produits.
Un autre élément majeur est le fait que les structures de santé soient elles-mêmes des cibles. La crise du covid a montré que le sanitaire est désormais un enjeu primordial. S'il est attaqué, cela a un effet non seulement sur le combattant, mais aussi sur la population. Il faut donc une résilience au niveau de l'hôpital.
Cela a aussi des conséquences en matière de pratiques médicales. C'est un autre enjeu de la réserve. Il faut former le maximum de personnels à nos pratiques ; c'est l'une des leçons des attentats terroristes. Or nous avons une école de formation, et la diffusion de ces pratiques peut aussi se faire dans le cadre de la réserve. C'est ce partage de pratiques qui permettra à des personnels médicaux et paramédicaux de nous renforcer – de nous épauler voire de nous remplacer.
L'approvisionnement médical, en particulier en sang et en oxygène, suscite également des interrogations. Nous avons la chance de disposer du Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), qui participe aussi à des innovations concernant la thérapeutique et l'évolution des produits sanguins labiles.
Bref, le domaine sanitaire est un enjeu majeur eu égard à la transmission de savoir-faire comme à la liberté d'action des forces armées. Garantir cette dernière est notre.
La question des blessés psychiques a récemment fait l'objet d'un colloque à la Maison de la chimie. Nous avons un nouveau plan d'action et nous réfléchissons à intégrer cette dimension à nos plans de prévention. Nous avons déjà développé, par exemple, le soutien psychologique en opération. Nous sommes très précurseurs en la matière, car notre mission nous oblige à prendre ces aspects en considération. Par ailleurs, il faut agir au niveau du ministère : certaines simplifications ne nous concernent pas au premier chef. Nous traiterons les dossiers avec les autres acteurs, dont l'état-major des armées et le SGA (secrétariat général pour l'administration du ministère des armées), chargé du sujet.
La recherche est très tournée vers les domaines applicables pour les armées. Elle ne repose pas sur le seul Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) : elle est clinique et se fait dans tous les établissements et dans des centres comme le CTSA. L'articulation entre nos problématiques en santé et les chercheurs permet de développer des produits. Les recherches portent sur le facteur humain – la réaction au chaud, au froid, à l'altitude –, en lien avec l'emploi opérationnel et en collaboration avec le réseau de chercheurs extérieurs et, au sein du ministère, avec la DGA (direction générale de l'armement).
L'Observatoire de la santé du militaire et du vétéran (OSMV) va nous permettre de faire de la prévention à partir des risques, à la fois sanitaires et liés aux conditions d'exercice, identifiés grâce au suivi de cohortes. Le public visé n'est plus seulement le vétéran mais l'ensemble de la population militaire.
Desgenettes s'inscrit dans le projet militaire du SSA dans son ensemble. Des projets de spécialisation en médecine physique et de réadaptation et en psychiatrie vont être développés. L'enjeu est de bâtir le projet médical de demain, avec les partenaires de santé publique environnants, au sein du territoire de santé, et d'y intégrer les hôpitaux militaires. Ces derniers peuvent offrir des pôles d'excellence dans certains domaines et assurer la proximité de la structure de soin, tout en bénéficiant à la population militaire. À mon niveau, un comité mensuel suit le projet et le devenir du personnel de Desgenettes.