Intervention de Colonel Octavien Biclineru

Réunion du mercredi 15 mars 2023 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Colonel Octavien Biclineru :

L'UE a un rôle à jouer dans la défense européenne, qui est complémentaire de celui de L'OTAN. Il est fondamental que l'UE développe des capacités de défense qui viennent en appui de celles de L'OTAN. Les deux organisations doivent agir ensemble contre les menaces sécuritaires communes, surtout dans le contexte de la crise actuelle.

La coopération bilatérale entre nos deux pays est ancienne et nos relations d'amitié sont historiques. Cette coopération a pris une dimension extraordinaire depuis le début de la guerre en Ukraine. Le fait que la France ait déployé ses forces en Roumanie dans un temps aussi court est un symbole et un signe de confiance. Je suis certain que les autorités roumaines considèrent que la décision de la France ouvre des perspectives pour notre coopération future.

La présence française est très bien perçue par la population roumaine. Elle se passe bien et les autorités roumaines fournissent tous les efforts nécessaires pour que les missions des forces françaises en Roumanie se déroulent dans les meilleures conditions possibles, d'un point de vue administratif et opérationnel. Pour la Roumanie, il s'agit d'une coopération riche, notamment parce que les troupes françaises s'entraînent de façon régulière avec l'armée roumaine et les autres alliés.

J'en viens à l'interopérabilité, à laquelle il faut bien un début. À quelques exceptions près, toutes les armées européennes sont équipées de façon différente. Cependant, la crise en Ukraine a démontré qu'aucun pays de l'UE ne pouvait faire face seul à une telle menace. Nous devons nous préparer ensemble, ce qui pose des questions d'interopérabilité. Mais il faut commencer en s'entraînant ensemble afin d'identifier les problèmes, les corriger et de développer la confiance entre nos armées.

Les dépenses liées à la défense atteindront 2,5 % de notre PIB à partir de 2023. Jusqu'ici, la part était de 2 %. J'ignore si l'exécution budgétaire a permis d'atteindre 2 % mais les crédits correspondants ont été accordés.

S'agissant de la haute intensité, la réponse a été donnée par tous les membres de L'OTAN, qui ont unanimement reconnu la guerre bien réelle qui avait lieu à nos portes et qui n'était ni hybride ni asymétrique. C'est le retour de la guerre telle que nous l'avons connue, pendant la première et la seconde guerre mondiale. Des retours d'expérience permettent déjà aux responsables de réfléchir au sujet et d'essayer de se préparer. Des questions se posent en matière de munitions, de stocks, de masse, d'équipements, d'interopérabilité et de défense aérienne.

Nous avons identifié de nombreux enjeux sécuritaires dans la zone de la Mer Noire, avant le début de la guerre en Ukraine et même avant l'invasion de la Crimée. Les autorités militaires roumaines en ont discuté avec leurs homologues européens et transatlantiques. Elles ont souligné l'importance de la région pour la sécurité de l'Europe, compte tenu du nombre de conflits gelés dans la zone, et ont tenté d'inscrire la sécurité de la Mer Noire dans l'agenda des discussions.

Nous essayons de renouveler nos capacités maritimes, ce qui n'est pas facile. En effet, un bâtiment requiert le développement de tout un système. De plus, il nous faut mener une réflexion en matière d'interopérabilité des systèmes d'armement et de détection.

Le Président français Emmanuel Macron et le ministre de la défense Sébastien Lecornu se sont rendus l'an dernier sur la base de Kogălniceanu, où le détachement français a d'abord été déployé. Les deux ministres de la défense, roumain et français, ont signé une lettre d'intention qui portait sur le développement en commun des capacités maritimes. Depuis, les experts se rencontrent régulièrement pour définir les modalités d'un possible contrat. Pour l'instant, aucun document n'a été signé, mais les démarches se poursuivent et l'intention roumaine est intacte.

S'agissant d'un possible rétablissement du service militaire, je ne crois pas qu'il y ait de discussion à ce sujet en ce moment.

En revanche, nous sommes très préoccupés par la création et l'entraînement de la réserve militaire, dans l'objectif de préparer une possible mobilisation. Il me semble que cette préoccupation est partagée ici mais il n'est pas simple de rassembler, pendant une période donnée, des milliers de personnes travaillant dans le civil. Cependant, en Roumanie, la population a pris conscience du danger et de la menace – cela répond aussi à la question posée sur la résilience. L'opinion publique s'interroge moins sur le pourquoi et comprend mieux que pour chaque pays de l'UE, dont la Roumanie, une vraie menace existe.

En ce qui concerne le SkyShield, la Roumanie a été parmi les pays signataires de la lettre d'intention, qui ne constitue pas un engagement formel mais une sorte d'accord préliminaire.

J'en viens à la potentielle dérive des mines sur la Mer Noire. Nous sommes l'État européen qui partage la plus longue frontière avec l'Ukraine, au Nord mais aussi au Sud, au niveau du delta du Danube. Nous prenons en compte le danger représenté par ces mines depuis que la guerre a commencé. Leur présence ne semble pas seulement être accidentelle et pourrait résulter de provocations émanant de la partie russe. Des mines ont été repêchées en la Mer Noire. La Roumanie essaie de développer des capacités maritimes afin de lutter contre les mines.

La Moldavie est plus qu'un voisin pour nous et la Roumanie a été le premier pays à reconnaître son indépendance. La situation du pays, assez difficile, appelle une attention particulière. Une déstabilisation pourrait nuire à la sécurité de la Roumanie mais aussi de toute la région.

Plusieurs dossiers requièrent un suivi : le conflit en Transnistrie, le dépôt de munitions de Colbasna et les développements futurs de la guerre en Ukraine. Le gouvernement de Chișinău a choisi d'adopter une approche graduelle face à ces crises potentielles, ce qui semble être une bonne décision. Une dégradation de l'une de ces situations pourrait déstabiliser la Moldavie au point que le gouvernement de Chișinău ne serait plus en mesure de contrôler les choses.

Je souhaite évoquer les tendances autonomes de la région de Gagaouzie et la façon dont les autorités locales s'opposent apparemment à une éventuelle adhésion de la Moldavie à l'UE. J'ignore comment cela pourrait évoluer. La situation reste également difficile en Transnistrie, en raison de la présence des troupes russes. De plus, Moscou utilise l'énergie comme un levier afin de déstabiliser le pays, notamment en Transnistrie.

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