Je vous remercie de l'honneur que vous me faites en m'invitant à évoquer devant vous la politique de défense de la Roumanie, les enjeux stratégiques auxquels elle est confrontée, ainsi que sa perception sur la situation sécuritaire de la région, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ce conflit a changé de façon dramatique l'équilibre de sécurité en Europe et est susceptible d'entraîner une reconfiguration dans la région de la mer Noire.
Dans ma présentation, je voudrais souligner l'importance de la région de la Mer Noire, évoquer la posture des forces alliées sur le flanc est et les décisions prises par la Roumanie en matière de développement des capacités de défense. Je reviendrai aussi sur l'importance des partenariats.
Les objectifs sécuritaires de la Roumanie sont liés à la sécurité de la Mer Noire. La position stratégique du pays lui permet de jouer un rôle important en la matière, ainsi que dans le processus de soutien à la stabilité et aux valeurs démocratiques dans la région, mais aussi aux aspirations euro-atlantiques des États de la zone, qui s'expriment notamment dans la République de Moldavie, en Géorgie et en Ukraine.
La Stratégie nationale de défense, le Livre blanc sur la défense, la Stratégie militaire et le Programme d'armement sont les documents programmatiques de la Roumanie en matière de défense.
La Roumanie cherche à renforcer sa défense et à protéger ses intérêts nationaux en utilisant des forces et des capacités nationales jusqu'à l'activation des mécanismes de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord et de l'article 42.7 du traité sur l'UE, ainsi qu'en consolidant sa coopération avec ses partenaires stratégiques et ses alliés de proximité, dans le cadre des initiatives régionales de coopération militaire. L'armée roumaine doit être capable de dissuader et de repousser une éventuelle agression armée contre son territoire national ainsi que de participer à la dissuasion et à la neutralisation d'une agression, au sein des alliances et avec ses partenaires.
En même temps, l'armée roumaine participe à la consolidation de la sécurité interne en temps de paix et au soutien de l'administration publique centrale et locale en cas d'urgence civile.
Elle participe également aux opérations de réponse aux crises, sous l'égide de L'OTAN, de l'UE, de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et dans le cadre des coalitions.
L'armée roumaine accomplit ses missions en ayant recours à des actions spécifiques qui garantissent l'engagement efficace, graduel, intégré et multi-domaines de ses forces. Cette approche intégrée, qui se donne des moyens concrets pour établir une coopération interinstitutionnelle, représente un pilier essentiel de la déclinaison d'un processus décisionnel logique et efficace, comme dans l'élaboration de structures de commande et de contrôle intégrées, souples et standardisées.
La guerre déclenchée en Ukraine par la Russie participe d'une stratégie plus complexe, déployée par cette dernière pour remodeler l'ordre géopolitique et sécuritaire européen. Dans cet objectif, la Fédération Russe emploie tous les instruments dont elle dispose, en agissant de manière conventionnelle et hybride, en ayant recours à la propagande, à la désinformation, à la corruption, au chantage aux ressources énergétiques et aux cyberattaques.
L'invasion russe a modifié la vision que la communauté internationale avait sur la région de la mer Noire, qu'elle envisageait comme périphérique par rapport aux enjeux sécuritaires euro-atlantiques et qu'elle regarde à présent comme centrale eu égard à ses intérêts. Dans le cadre de L'OTAN et de l'UE, la Roumanie n'a cessé d'affirmer l'importance de cette région, à la fois comme plateforme de projection du pouvoir russe et comme zone d'importance stratégique pour la sécurité euro-atlantique.
La Roumanie est l'État membre de l'UE et allié de L'OTAN qui partage la frontière terrestre et maritime la plus longue avec l'Ukraine.
La guerre injustifiée déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine prouve de façon indéniable que la Russie représente une menace directe et persistante pour la sécurité régionale et euro-atlantique à long terme. À cet égard, nous considérons que la posture actuelle des forces alliées sur flanc est doit être maintenue à long terme.
Les déploiements alliés sur le territoire roumain sont perçus de façon favorable par l'opinion publique. Ces efforts transmettent un message puissant quant à la capacité de nos alliés de défendre notre territoire national.
Le groupement tactique multinational Battle group forward presence (BGFP) dont la France est nation-cadre joue un rôle essentiel pour assurer la crédibilité et l'efficacité de la posture collective de défense dans la région de la Mer Noire. Dans ce contexte, nous apprécions la posture de la France, la décision valorisante qu'elle a prise ainsi que la mise en œuvre d'exercices conjoints. La montée en puissance du groupement tactique, passant de bataillon à brigade, s'opère de façon graduelle, conformément aux décisions prises lors du sommet de L'OTAN à Madrid.
La Roumanie reste fidèle à son engagement d'assumer ses responsabilités en tant que pays hôte. Nous saluons la manière dont la présence française se renforce, grâce au déploiement de forces et de capacités supplémentaires, dans le cadre du groupe de combat. Nous faisons part de notre disponibilité à coopérer avec la France en vue de l'augmentation de la capacité opérationnelle du groupement tactique.
Les capacités russes et les retours d'expérience du conflit en Ukraine suggèrent qu'il nous faut consolider notre posture à long terme et disposer de forces jouissant d'un très haut niveau de préparation, des capacités aériennes, maritimes, de défense aérienne et antimissiles, ainsi que des capacités d'appui. Il nous faut aussi intensifier les entraînements et les exercices sur le flanc est, afin de faire la démonstration de la capacité de défense de L'OTAN.
Le flanc est – de la Mer Baltique à la Mer Noire – revêt une importance stratégique pour la sécurité de l'Alliance. La Roumanie participe au processus de développement des capacités de défense, qui vise à garantir l'accomplissement de toutes les missions des forces alliées. À ce titre, elle s'est engagée à accroître, à partir de 2023, la part représentée dans son PIB par le budget consacré à la défense, de 2 à 2,5 %. Il s'agit là de l'un de nos objectifs stratégiques : nous souhaitons investir de façon importante dans l'acquisition de capacités de défense modernes. Nous poursuivrons les efforts engagés pour améliorer notre participation au processus de développement des capacités de défense, afin d'honorer les engagements que nous avons pris dans le cadre de L'OTAN et de l'UE.
En matière de défense, nos actions suivent plusieurs directions : le développement de la capacité de défense nationale et du niveau de réaction ; l'élaboration d'une offre nationale permettant de mettre en œuvre des initiatives de L'OTAN dans le domaine du développement de la capacité collective de réaction de l'Alliance ; la participation aux initiatives et projets alliés pour le développement des capacités alliées communes ; la participation aux missions et opérations de L'OTAN ; la contribution à une présence alliée avancée ; et la gestion des défis sécuritaires sur le flanc sud de L'OTAN, qui s'avèrent de plus en plus complexes et divers.
La participation de la Roumanie à la coopération structurelle permanente et aux initiatives européennes en matière de défense, complémentaire aux engagements au titre de L'OTAN, constituera également l'un de nos objectifs principaux.
L'accroissement du budget de la défense permettra de lancer plusieurs programmes d'armement pluriannuels de façon simultanée, mais aussi d'assurer une dotation nécessaire en matière d'équipements militaires, grâce à l'acquisition de systèmes modernes et robustes.
Les programmes d'armement, en cours et futurs, envisagent tous une dotation équilibrée des différentes catégories de forces, ce qui permettra à la Roumanie d'acquérir les capacités nécessaires pour assumer ses engagements internationaux. Le développement de capacités de défense crédibles constitue un autre objectif majeur ; il garantit la supériorité technologique de nos forces et leur assure le bon degré de soutenabilité, d'interopérabilité et de flexibilité, afin que leur déploiement et leur montée en puissance puissent être rapides.
Les partenariats stratégiques sont les fondements des relations solides avec les États partageant avec nous des intérêts communs dans les domaines de la sécurité et de la défense. Nous saluons l'adoption, le 10 janvier 2023, de la Déclaration commune sur la coopération UE-OTAN, qui établit les modalités selon lesquelles les deux organisations agiront ensemble contre les menaces sécuritaires communes, particulièrement dans le contexte de la crise actuelle. La coopération, la coordination et la complémentarité entre l'UE et L'OTAN restent essentielles.
Cette coopération est notamment fondamentale dans des domaines tels que la résilience, le changement climatique, les technologies émergentes et disruptives, l'espace, la lutte contre la désinformation et la manipulation. L'OTAN et l'UE ont leurs propres approches et expertises. Ensemble, elles pourront optimiser la réponse qu'elles apportent aux défis globaux communs. La Roumanie soutient cette coopération qui doit permettre d'optimiser les efforts européens et euro-atlantiques en matière de sécurité et de défense et d'améliorer leur pertinence.
La Roumanie est un allié puissant et le restera. Elle a un rôle très important dans la région en contribuant à la sécurité de la mer Noire. Elle continuera aussi de promouvoir la consolidation de la relation transatlantique.
L'environnement sécuritaire changeant qui caractérise la région de la Mer Noire menace d'affecter la sécurité européenne. Si L'OTAN reste le fondement de notre défense collective, l'UE a un rôle important à jouer, complémentaire à celui de l'Alliance.
Dans le contexte sécuritaire actuel, une UE puissante participera à la consolidation de la sécurité euro-atlantique. L'Union peut contribuer au renforcement de la résilience de ses États membres et au soutien de ses partenaires en la matière. Cet aspect important a été mis en lumière par la réponse prompte que l'UE a donnée à l'Ukraine en lui apportant son soutien, mais aussi à la République de Moldavie, à laquelle elle a accordé son assistance.
La Boussole stratégique de l'UE, adoptée après le début de la guerre d'agression menée par la Fédération Russe contre l'Ukraine, définit le cadre et les orientations nécessaires au développement de la dimension sécuritaire et de défense de l'UE. De plus, elle affirme l'ambition de renforcer la capacité d'action, de consolider notre résilience et d'assurer la solidarité des États membres. Le Livre blanc de la défense européenne souligne aussi l'importance du partenariat avec L'OTAN. Il établit un cadre ambitieux pour consolider le rôle de l'UE. À cet égard, il paraît essentiel de respecter le calendrier agréé pour atteindre les objectifs fixés.
Pour que l'UE puisse mener des actions crédibles dans le domaine de la gestion des crises, il lui faut des instruments efficaces et flexibles. La nature des défis qui se dressent devant nous enjoint à agir de manière rapide, efficace et ferme.
L'environnement sécuritaire hostile nous impose d'accroître notre capacité à consolider la résilience et à assurer notre solidarité. Une coopération et une coordination étroites paraissent plus importantes que jamais. Le concept stratégique de L'OTAN et la Boussole stratégique de l'UE soulignent que nous traversons un moment clé pour la sécurité et la stabilité euro-atlantiques, ce qui rend le lien transatlantique très important.
La consolidation de la coopération en matière de défense, dans le cadre des partenariats stratégiques de la Roumanie, nécessite le développement de la composante militaire et sécuritaire sur la base d'intérêts convergents au sein de L'OTAN et de l'UE, mais aussi dans le cadre du voisinage oriental. À ce titre, si la préoccupation principale reste la guerre d'agression menée par la Fédération Russe contre l'Ukraine, nous restons préoccupés par la menace du voisinage sud et nous soulignons l'importance stratégique des Balkans de l'Ouest à cet égard. Enfin, dans le cadre de l'initiative des Neuf de Bucarest (B-9), des consultations interalliées doivent permettre de soutenir des positions communes, au sein de L'OTAN, qui prennent en considération les intérêts spécifiques des pays d'Europe Centrale et de l'Est pour assurer la sécurité, la stabilité et prospérité, de la mer Baltique à la mer Noire.