Nous avions rencontré l'année dernière au Liban, avec Mme Lakrafi, un colonel de la FINUL. Ce modèle d'opération n'est pas très courant pour les armées françaises mais elles sont toujours présentes. Cette présence française efficace, qui n'attire pas sur elle les critiques que peut parfois libérer un excès de confiance en soi, combinant présence et discrétion, doit nous faire réfléchir.
La situation politique est très compliquée sur le plan intérieur et sur le plan international. Les crédits inscrits dans le projet de loi de programmation militaire vous vaudront une double critique car, si une grande partie des membres de la commission considèrent à sa juste valeur l'effort financier consenti, certains diront que ce n'est pas assez et d'autres – sans doute plus nombreux – que c'est beaucoup trop, tandis que d'autres encore diront qu'il faut produire une étude d'impact plus étoffée. Cet effort est considérable et ce que vous avez déjà accompli est un gage de ce que vous ferez. C'est pour nous une très grande satisfaction.
Les choix que vous avez défendus sont cohérents. Toutefois, une grande partie d'entre nous, parmi lesquels je me compte, restent interrogatifs, non pas sur votre projet de loi, mais sur les conditions dans lesquelles la France est amenée à intervenir. Le problème des OPEX nous semble ainsi posé très profondément, pour des raisons géopolitiques extérieures à notre volonté. Depuis l'Afghanistan et les événements d'Afrique de l'Ouest, un peu partout, la France est assez souvent considérée comme indésirable et, quels que soient nos efforts, nous aurons des difficultés à adapter notre position aux situations auxquelles nous sommes confrontés. Il faut être conscients que ni vous ni nous n'avons la pierre philosophale et que le problème se pose des modalités de notre présence outre-mer.
D'une façon générale, votre projet de loi, conformément à la revue nationale stratégique qui a été publiée en novembre 2022, fournit bien des instruments de souveraineté. Tout a été analysé et présenté et nous voyons bien que, tout seuls, nous atteignons des limites et que nous avons un énorme besoin de coopération : en Europe d'abord, avec nos partenaires européens et, selon un modus vivendi légèrement différent, avec une Amérique qui, de toute manière, se détachera de l'Europe, même si elle est très solidaire dans la crise ukrainienne, et se centrera d'abord sur le Pacifique. Or je ne sens pas que, ni dans le projet de loi, ni dans notre état d'esprit et dans celui de nos partenaires, les conditions sont réunies pour faire véritablement ce saut en avant en matière de coopération, qui déterminerait une politique européenne beaucoup plus solidaire dans le domaine de la défense, même si je reconnais tout à fait avec vous que ce qui a été fait à l'occasion de la guerre en Ukraine est tout à fait remarquable. La crise n'est cependant pas finie et la situation peut aussi se dégrader.
Quant au Pacifique, je maintiens que nous avons une hésitation profonde. Nous avons des responsabilités, que vous avez rappelées, et des moyens, que vous avez défendus et programmés dans le projet de loi, mais nous avons l'impression que nous sommes en attente de formes de coopérations qui ne sont pas du tout définies sur le plan politique. Le rapport avec les États-Unis face à la politique chinoise n'est pas du tout assuré de façon satisfaisante et les déclarations du président de la République, assez traditionnelles pour la position française, ont suscité en Europe et ailleurs des réactions assez vives. Nous avons impression que, si le compte y est peut-être pour votre loi de programmation, nous devons inventer une nouvelle grammaire politique, ce qui demandera un travail de longue haleine relevant autant de la politique étrangère que de la politique de défense.
Monsieur le ministre, merci pour votre présentation et vos propositions de discussion et de coopération avec notre commission et les différents groupes. Nous vous sommes reconnaissants pour cette relation de très grande qualité que vous entretenez avec notre Assemblée.