Parce qu'ils sont destinés à être remplacés par une nouvelle génération, avec le missile Mica VL. Notre modèle de souveraineté industrielle repose sur l'anticipation du remplacement des matériels. Le Crotale devait en tout état de cause être retiré du service en 2026 ou 2027. Ce missile est encore en service dans nos forces et il servira d'ailleurs pour protéger les Jeux olympiques. La notion d'obsolescence doit donc être relativisée.
Comme nous n'achetons pas nos matériels sur étagère à Washington, Pékin ou Moscou, nous organisons la succession des générations. Cela nous permet aussi de mener des actions diplomatiques. Le cas de l'Ukraine est à part mais les matériels anciens de l'armée de terre ont aussi permis de faire progresser des armées africaines partenaires et amies en leur donnant des armements de qualité, et je parle bien de capacités de défense et non d'attaque.
Pour revenir aux comparaisons entre modèles d'armées, certains ont comparé de manière incroyable nos stocks d'armes avec ceux de la Russie, comme si nos intentions étaient les mêmes…
Je n'espère pas vous convaincre au sujet de la dissuasion nucléaire. Il faut reconnaître que le Parti communiste français (PCF) a toujours eu une position cohérente sur ce point depuis les années 1960 et les premières LPM.
Pour ma part, je n'opposerai pas les budgets entre eux. Si nous n'avions pas la dissuasion, nos forces conventionnelles seraient beaucoup plus massives. Il suffit pour s'en convaincre de considérer le volume de nos armées avant la mise en place de la dissuasion. Cette dernière a également permis de suspendre le service national plus rapidement que dans d'autres pays. La dissuasion a aussi pour effet de réduire certaines dépenses.
J'ai vu dans quelques tweets des comparaisons surréalistes entre l'effort de défense et la protection sociale. Nous parlons d'arriver à 2 % du PIB pour le premier tandis que la seconde en représente 30 %. Ceux qui portent l'uniforme risquent leur vie. La nation a donc le devoir de les équiper convenablement. D'autres pays se posent moins de questions et les pertes ne sont pas les mêmes. Je ne veux pas brandir systématiquement cet argument mais les militaires vivent mal certaines comparaisons – que vous n'avez pas effectuées, Monsieur Lecoq, et qui sont le fait d'autres composantes de la NUPES. Je ne vois pas très bien comment on pourrait maintenir un modèle social vertueux si nous subissions une dégradation majeure de la sécurité du pays. On peut débattre du contenu de ce projet de loi et de sa soutenabilité financière mais il ne faut pas opposer les budgets entre eux.
Le désarmement doit être multilatéral et la position de la France en la matière est connue. Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, le moment ne semble pas encore venu de désarmer. Il suffit pour cela de regarder le comportement d'États proliférants comme la Corée du Nord et l'Iran, qui vont poser des défis de sécurité absolument majeurs aux pays occidentaux. La France doit continuer à dissuader les autres compétiteurs en les assurant de sa capacité à défendre ses intérêts vitaux.
J'ai beaucoup milité en faveur de l'indemnisation des essais nucléaires lorsque j'étais ministre des outre-mer. Ces essais ont eu des effets géologiques. Ils n'ont eu d'effets sanitaires que lorsqu'ils ont été réalisés dans l'atmosphère jusqu'en 1974, en Algérie puis à Mururoa et à Fangataufa. Nous devons indemniser. Les moyens du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) sont préservés. Comme vous le savez, l'enjeu n'est pas seulement l'indemnisation individuelle mais aussi celui de la transparence et de l'accès aux archives. Avec Florence Parly, nous avons ouvert beaucoup d'archives, notamment à des historiens, pour permettre aux associations d'accomplir un devoir de vérité. Je continuerai à le faire et je souhaite aussi que l'atoll de Mururoa soit le plus ouvert possible aux habitants de la Polynésie. Il n'y a pas de question taboue et ce sujet mérite la plus grande transparence.