Il n'y a pas de défense sans stratégie, ni de stratégie sans vision de l'état du monde et du rôle de la France en son sein.
Le projet de LPM a pour principaux objectifs la consolidation de notre autonomie stratégique et la construction, en parallèle, d'une autonomie stratégique européenne. Je m'interroge sur leur compatibilité en 2023. Il est en effet illusoire de croire que l'Union européenne s'émancipera de l'OTAN à un horizon visible. Certains pays de l'Union européenne pensent que les États-Unis interviendraient sur un théâtre européen en cas de nécessité : c'est une erreur et, précisément, la raison pour laquelle le général de Gaulle avait fait le choix de retirer la France du commandement militaire intégré de l'OTAN.
À l'inverse, l'appartenance au commandement intégré nous oblige à nous aligner sur certains des objectifs de l'OTAN, qui sont, à nos yeux, contradictoires avec la volonté d'autonomie stratégique et avec la clarté même de notre stratégie. Nous en avons deux exemples récents : l'Ukraine, à propos de laquelle le président Macron a avancé l'idée de bon sens que, tôt ou tard, nous serons bien obligés de négocier avec des ennemis, et la Chine, sur laquelle il a eu des propos lucides. Dans les deux cas, il semble être conscient qu'une stratégie purement militaire, qui va de pair avec l'expansion permanente des théâtres d'opérations de l'OTAN, est à la fois dangereuse pour la paix et nuisible à notre indépendance.
Le problème, c'est que ces déclarations sont suivies de rétropédalages pour cause de gêne de la majorité. Quand, à des moments cruciaux, le président affirme la volonté d'une indépendance et d'un équilibre – cette « équidistance » que nous préférons appeler un « non-alignement » –, par une sorte de retour de balancier, il est obligé de se justifier, ce qui nuit à une stratégie claire. Qu'en est-il ?