Le contexte géopolitique dégradé et l'affaiblissement manifeste de la France, encore illustré par le camouflet subi par Emmanuel Macron en Chine, nous conduisent à examiner avec une particulière vigilance le projet de LPM pour les années 2024 à 2030, dont nous nous félicitons qu'elle rompe avec un budget d'abandon de nos armées. Notre vigilance face à certaines lacunes de ce texte a toutefois cédé la place à de l'inquiétude car, pour reprendre les propos que vous avez tenus tout à l'heure, l'efficacité dépend des moyens. Vous avez évoqué une LPM de transformation, dont les crédits passent de 195 à 400 milliards d'euros, mais votre texte n'est que partiellement financé, comme nous sommes obligés de le constater. C'est d'ailleurs le sens du rejet qui vous a été signifié avant-hier à la conférence des présidents.
Je vous poserai donc trois questions importantes, même si elles vous ont certainement déjà été posées dans d'autres commissions. La première porte sur l'inflation, que vous avez évoquée tout à l'heure, sans entrer dans le détail, en disant qu'elle absorberait 30 milliards d'euros, soit 15 % de l'effort supplémentaire de 200 milliards d'euros destiné à la défense. Dans le contexte inflationniste actuel, sans doute appelé à durer, on aurait espéré un budget en euros constants ou, à tout le moins, une clause de sauvegarde. Or votre texte ne contient rien de tel. Pourquoi donc cet impensé majeur ?
Vous avez également évoqué les capacités. Nous comprenons que nos investissements seront retardés dans des proportions dramatiques et évoquées dans la presse. En 2030, nous ne disposerions pas de cinq frégates de défense et d'intervention mais de trois, et pas de 185 Rafale pour l'armée de l'air mais de 137, sans parler des renoncements concernant l'artillerie, les hélicoptères ou les centaines de véhicules du programme Scorpion, dont la livraison a été repoussée. Confirmez-vous ces chiffres et, en ce cas, comment justifiez-vous de telles coupes que je juge, et de nombreux analystes avec moi, inquiétantes dans le contexte international ?
Enfin, votre texte repose sur plusieurs paris, en forme d'épée de Damoclès pour nos armées. Le soutien à l'Ukraine serait intégralement financé par des crédits supplémentaires, dont l'obtention sera soumise chaque année à des arbitrages politiques incertains. Il en est de même pour les opérations extérieures, sous-financées, alors même que, de crise en crise, nous constatons que nos soldats peuvent être appelés à tout moment à servir sur des théâtres d'opérations. À quels renoncements capacitaires nos armées seront-elles contraintes si ces dépenses sont financées en bout de chaîne, non par des ressources supplémentaires dépourvues, en l'état, de toute réalité, mais par le ministère des armées lui-même ?