Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 12h10
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

M. Lecoq est suffisamment bon marxiste et bon clausewitzien pour savoir qu'une guerre est gagnée par la politique. Le conflit qui l'illustre parfaitement est la guerre d'Algérie. La supériorité tactique de l'armée française, telle qu'elle s'est exprimée en 1960 avec le plan Challe, et notamment une utilisation extrêmement habile des moyens héliportés, nous a assurés une victoire totale sur le terrain, alors que nous avons démontré parallèlement une incapacité totale à gérer le confit sur le plan politique. Cela s'est terminé par le départ des Français. Ce n'est pas une question de rusticité. Tout dépend plutôt de l'adéquation entre un système social, les objectifs poursuivis par les combattants et la capacité de ceux-ci à admettre les limites de la guerre réelle par rapport à la guerre absolue, au sens de Clausewitz. C'est cela qui détermine la victoire. Il existe de ce point de vue un large champ d'unanimité allant de Lénine à Clausewitz, au sein duquel je me situe bien volontiers, ainsi que M. Lecoq, j'imagine.

Je vous remercie beaucoup, messieurs. Vous nous avez beaucoup éclairés. Le choix théorique est assez évident, quant au degré de sophistication et de rusticité. Il reste à passer aux travaux pratiques, ce qui révélera certainement des difficultés bien plus grandes. Nous verrons ce que nous dit le ministre des armées cet après-midi. Je me sens assez démuni, pour ma part, quant à recommander à monsieur le ministre ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Je comprends de vos exposés que rien ne sert d'avoir des outils ultrasophistiqués et extrêmement diversifiés si nous n'avons pas les capacités suffisantes pour les mettre en œuvre.

Je crois que c'est l'un des problèmes que pose ce projet de loi de programmation militaire : après avoir célébré les effets de masse, nous sommes en fait restés dans la logique qui est traditionnellement la nôtre depuis de nombreuses années – même si l'on améliore beaucoup l'existant –, c'est-à-dire celle d'une armée qui reste un peu expéditionnaire, un peu échantillonnaire et ne prend pas suffisamment en compte les exigences de massification que les récents conflits ont bien mises en lumière, pas seulement en Ukraine. Nous sommes passés, y compris en dehors du théâtre européen, à des logiques de confrontation de grandes puissances, et plus seulement de lutte asymétrique entre une armée et divers mouvements terroristes.

Je ne sais pas quel chemin il faut suivre en termes de sophistication des armées. Le projet de loi de programmation contient, me semble-t-il, des choses intéressantes mais je serais bien incapable de dire s'il propose le bon équilibre de ce point de vue. Je l'espère, tout en constatant que certains le contestent, comme l'a fait ici M. Péria-Peigné avec beaucoup de talent.

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