En ce qui concerne le prépositionnement de forces en Afrique, la logique défendue par le président de la République, consistant à s'orienter vers une co-construction, a du sens à mes yeux. Si nous avions pu finir ces auditions avant l'élaboration de la future LPM, sans doute cela aurait-il permis de déboucher sur des axes plus concrets.
Lorsque nous nous rendons en Afrique auprès de partenaires, ceux qui sont les interlocuteurs de la France dans ces pays ne demandent généralement pas le départ de ces bases, qui sont déjà très largement ouvertes sur la société du pays. Au Sénégal ou même à Port-Bouët en Côte d'Ivoire, vous verrez davantage de travailleurs africains, sur ces bases, que de soldats français. À Dakar sont présents 350 coopérants. Il ne faut pas se représenter ces bases comme les grosses bases américaines, embastionnées et coupées du territoire. Nos bases sont souvent intégrées, y compris dans le tissu urbain des sociétés où elles se trouvent. Les partenaires demandent plutôt une transformation de l'approche mise en œuvre et dans le type d'appui qui leur est apporté, l'offre française étant souvent limitée à de la formation ou à des opérations conduites plus ou moins sans eux. Cette alternative n'est plus satisfaisante pour nos partenaires, qui souhaitent notamment un appui en matériel, en renseignement ou sur le plan logistique. C'est donc plutôt selon cet axe qu'il faut évoluer. Il n'y a pas lieu de chercher à faire disparaître des emprises qui peuvent être adaptées ou transformées.
L'une des clés de l'appropriation culturelle et politique, par les territoires ultramarins, de leur rôle stratégique, réside dans le travail à engager auprès des collectivités territoriales autour des enjeux qui forment le cœur de leurs compétences. En Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, par exemple, deux territoires jouissant d'une assez grande autonomie, je crois que nous aurions intérêt à aborder la question de la pêche – ce qui englobe le sujet de la pêche illégale –, afin qu'ils se l'approprient, y compris sous l'angle stratégique et non seulement sous l'angle social et économique. L'appropriation des questions stratégiques par l'État, qui continue largement de prévaloir en France, rend plus difficile le partage de ces enjeux avec les collectivités mais cela me semble un enjeu important. J'ai eu l'honneur d'être auditionné par l'Assemblée de la Polynésie française, qui s'est dite très intéressé par un dialogue sur ces questions.
Le conflit en Ukraine n'a pas de mandat électif assorti d'une durée définie. J'ignore s'il va durer cinq ans mais il n'existe pas de perspective immédiate, à mon sens, de réduction de la conflictualité.