Notre modèle d'armée était centré sur les OPEX, ce qui est un héritage historique : la France dispose, derrière les États-Unis, du deuxième dispositif de forces prépositionnées dans le monde, ce qui nous confère une présence militaire globale et permanente. À l'heure d'une montée des tensions entre puissances étatiques, la future loi de programmation militaire devait préparer nos armées, non plus à des conflits asymétriques mais à des conflits de haute intensité, à l'image de celui qui se déroule actuellement en Ukraine. Or tous les programmes auront du retard et seront étalés dans le temps. De multiples compagnies de combat vont être supprimées et les reports de livraison touchent l'ensemble de nos armées. Ainsi, l'armée de l'air et de l'espace ne pourra compter que sur 35 A400M d'ici 2030, contre 50 initialement prévus, en conséquence de quoi les Américains seront parfois amenés à nous transporter. De même, la marine, qui espérait recevoir 18 frégates de premier rang, aptes au combat de haute intensité, ne pourra en obtenir que 15. Le budget consacré aux OPEX est lui-même raboté de 400 millions d'euros par an par rapport à la précédente LPM.
Au regard de ces arbitrages, on peut se demander si la mesure de l'ampleur de la hausse des tensions à l'échelle mondiale a été prise. Les pays de la zone indopacifique lancent de vastes programmes militaires en réaction aux velléités de la Chine à l'égard de Taiwan. La Chine nourrit globalement des ambitions sur une bonne partie de ce territoire maritime, d'où elle aimerait chasser les États-Unis. La France est directement concernée par les évènements survenus dans la zone indopacifique puisque de nombreux compatriotes ultramarins y vivent.
La projection des forces armées hors du territoire national poursuit un triple objectif : assurer la protection des ressortissants français, défendre les intérêts stratégiques de la France ainsi que de ses alliés, faire face à nos responsabilités internationales dans un cadre multilatéral. Pensez-vous que le projet de LPM proposé à l'horizon 2030 est à la hauteur de ces trois objectifs, en particulier dans l'hypothèse d'une dégradation de la situation dans la zone indopacifique ?