Je ne suis pas certain que les pays de la région indopacifique attendent une voix qui se substituerait à la première ou à la deuxième – si nous représentons la troisième. Je pense qu'ils attendent de disposer d'un éventail d'options, chaque fois qu'ils ont des choix à effectuer. Une réponse revient comme un leitmotiv, lorsque nous parlons avec des interlocuteurs de cette région : « nous voulons garder nos options ouvertes ». Cela suppose d'avoir un éventail de choix qui ne se résume pas à une alternative entre les États-Unis ou la Chine. Ce n'est pas tout à fait un hasard si l'idée d'une région indopacifique ouverte revient souvent également.
Les États de la région savent que la frégate qu'Élie évoquait ne constitue pas un acte isolé. Plus généralement, ils se tournent vers des États européens, et notamment vers la France, car ils ne recherchent pas seulement un fournisseur d'armement ou une solution pour diversifier des approvisionnements trop monocolores à leurs yeux, ce qui serait synonyme d'une dépendance excessive. Il existe une véritable demande de partenariat, ce qui renvoie à la nécessaire crédibilité que j'évoquais.
Les mêmes États se montrent aussi mal à l'aise devant la militarisation rampante des stratégies des uns et des autres. Ils souhaitent que leur soient proposées des stratégies couvrant l'ensemble du spectre. L'enjeu, pour nous, consiste à être en mesure de couvrir les aspects de défense et civils, ces derniers ayant une dimension existentielle pour divers acteurs de la région. Je pense par exemple au climat pour les États insulaires du Pacifique. Se posent par ailleurs des questions « grises » telles que celle de la pêche illégale en zone indopacifique. Nous savons qu'il s'agit à la fois d'un enjeu économique, d'un enjeu environnemental – biodiversité, raréfaction des ressources – et d'un enjeu de souveraineté et d'affirmation de puissance.
L'un des points sur lequel nous avons insisté, dans le cadre de la stratégie européenne pour l'Indopacifique, en cohérence avec la boussole stratégique, consiste à affirmer le caractère indispensable du volet militaire. Un certain nombre de nos partenaires européens considéraient que la région indopacifique étant éloignée et complexe, elle se trouve au-delà de nos capacités militaires. Nous pouvons néanmoins y mener un certain nombre d'actions. C'est la raison pour laquelle la France défend par exemple le principe d'une présence maritime coordonnée et un effort important sur les questions de sécurité maritime.