Je commencerai par la question la plus simple. L'opération Pégase et les déploiements effectués dans la région ne peuvent que conforter le constat que je faisais s'agissant des dettes liées aux infrastructures qu'impliquent les forces de souveraineté. Envoyer des Rafale jusqu'à Papeete, dans un raid de longue portée, ou des navires hauturiers, est une chose ; être capable de les y maintenir dans la durée afin de créer un effet politique et, si possible, militaire, en est une autre et nous n'avons pas aujourd'hui les capacités de maintenance permettant un tel déploiement de forces sur place. Le cœur des enjeux, en zone indopacifique, se trouve en mer de Chine méridionale, dans le détroit de Formose et autour de la péninsule coréenne. La France a envoyé il y a quelques jours une frégate de surveillance qui a franchi le détroit de Formose. Elle vient de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française et nous voyons bien que de telles « élongations » ne permettent pas une présence permanente sur zone. L'idée d'une présence permanente européenne, à travers une force d'action et un point d'appui logistique dans la zone, me paraît à développer. Elle fait partie des prolongements envisageables des documents stratégiques existants.
Compte tenu des acteurs et des forces en présence, je crois qu'une grande modestie stratégique serait de bon aloi pour la France et même pour l'Europe, au regard de notre capacité à peser sur ces enjeux. Je ne doute pas que la voix française et que la voix européenne soient attendues, en contrepoint aux formes de conflictualité latente qui existent dans la région. Néanmoins, leur capacité à peser, notamment sur le plan militaire, dans l'hypothèse d'un conflit, reste faible et soumise à notre interopérabilité et à notre capacité à s'insérer dans un dispositif aux côtés de notre principal allié dans la zone, c'est-à-dire les États-Unis.