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Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin trois auditions thématiques d'experts qui doivent éclairer la réflexion de notre commission dans la perspective de l'examen pour avis du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Nous nous plaçons, non sous le signe de Mars mais sous celui de Minerve et d'Athéna, c'est-à-dire que nous laissons à nos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées le soin d'interroger le ministre Lecornu sur le détail des capacités militaires prévues par le projet de loi, car ces aspects relèvent de la compétence de leur commission. Notre souci sera d'analyser les choix qui nous sont proposés, sur la base du rapport de notre rapporteure pour avis, Mme Laetitia Saint-Paul, dans le cadre de la politique extérieure de la France.

Cette première audition portera sur les objectifs de projection des forces armées françaises dans le monde. Je rappelle que suite à des réductions d'effectifs et de capacités durant trois décennies, la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, adoptée sous la précédente législature, a jugulé cette tendance à la baisse afin d'opérer une relative remontée en puissance des forces armées françaises. La « saignée » avait été particulièrement importante, 60 000 postes de militaires ayant été supprimés entre 2009 et 2019, tandis que le nombre de chars Leclerc était passé de 406 à 222 entre 2003 et 2020. Celui des avions de combat, y compris ceux de l'Aéronavale, était passé de 393 à 261. Quant aux frégates de premier rang, leur nombre avait décru, passant de 17 à 15.

Conséquence logique de cet affaissement des moyens accordés à nos armées, les ambitions affichées, notamment en termes de projection, ont été notablement revues à la baisse. Pour mémoire, la LPM 2003-2008 envisageait une intervention de la France dans une opération classique majeure à hauteur de 50 000 soldats et d'une centaine d'avions de combat. Dix ans plus tard, la LPM 2014-2019 avait réduit ces niveaux à 15 000 soldats et à 45 avions de combat.

Sous la précédente législature, l'exécutif et le Parlement ont choisi de privilégier la cohérence et l'efficacité opérationnelle des armées par rapport aux volumes. Cette tendance se trouve confortée, plus qu'infléchie, par le projet de loi de programmation qui nous est soumis, lequel ouvre un cycle devant conduire à un modèle d'armée supposé complet et équilibré, résumé par la formule « ambition 2030 ».

La capacité de projection des forces françaises, notamment dans le cadre d'opérations extérieures et en outremer – via des implantations à l'étranger, la projection des forces spéciales ou des bâtiments de projection tels que le porte-avions, les bâtiments de projection et de commandement (BPC) ou les frégates –, constitue un élément clé de l'influence et du rayonnement de notre pays. Notre commission ne pouvait donc se désintéresser de ce sujet à l'occasion du débat qui s'ouvre.

Il est frappant de constater que nous nous trouvons dans une situation où toutes les ambitions de projection géostratégique de la France sont profondément remises en cause. Nous avons renoncé, avec l'ensemble de nos alliés, à notre présence en Afghanistan. Nous avons quitté le Mali et le Burkina Faso. Notre situation, dans le reste de l'Afrique, est quelque peu incertaine. J'ai dernièrement accompagné Mme Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, à l'occasion d'un voyage à Abidjan où nous avons vu les responsables de la base militaire : ceux-ci ont évoqué la décision de diminuer quantitativement leurs moyens tout en conservant une implantation fixe de manière à remonter en puissance le cas échéant. En Asie, la France a connu des déboires avec l'Australie.

Les interrogations sont donc grandes quant à la nature même de nos actions extérieures. Qu'il s'agisse des bases ou des moyens maritimes de projection comme le porte-avions, on a le sentiment qu'il existe des questionnements sur la finalité même d'une action de projection en cette période de remise en cause extrêmement sensible.

J'ai sollicité, pour nous apporter ses éclairages, M. Manuel Lafont-Rapnouil, qui dirige depuis 2019 le Conseil d'analyse et de prévision stratégique (CAPS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il s'agit d'un groupe de réflexion chargé de mener des missions d'analyse de l'environnement international, de faire des recommandations stratégiques et d'assurer une présence française dans les centres de réflexion. Cet organisme est l'équivalent du Policy Planning Staff du Département d'État des États-Unis.

J'ai également demandé à M. Élie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (IFRI), de bien vouloir nous livrer ses réflexions. Vous avez travaillé en particulier, M. Tenenbaum, sur les problématiques de la guerre irrégulière, de la lutte contre le terrorisme et les menaces hybrides, ainsi que sur la politique de défense française et les opérations militaires. Vous êtes l'auteur de nombreux articles et ouvrages d'histoire et de stratégie.

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