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Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 4 mai 2023 à 15h00
Protéger le groupe Électricité de france d'un démembrement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Cela revient peu ou prou à ce qui était prévu par l'offre publique d'achat annoncée par la Première ministre lors de son discours de politique générale et engagée depuis. Hasard du calendrier, la cour d'appel de Paris a tranché mardi dernier en faveur du Gouvernement, contre les petits actionnaires qui contestaient le montant de rachat de leurs actions.

Ce texte n'est donc plus que l'ombre de lui-même, et la crainte de voir ressurgir un nouveau projet Hercule et son absurde saucissonnage semble avoir abandonné les sénateurs. C'était elle, pourtant, qui avait motivé le présent texte transpartisan. Que l'on se rassure : trop heureuse de voir s'éloigner une nationalisation dont elle ne veut pas, la majorité nous répète à l'envi que le projet Hercule est définitivement mort et enterré – jusqu'au prochain changement de cap, probablement…

Malgré tous ces abandons, le texte n'est pourtant pas inutile. Les sénateurs ont conservé le bénéfice des tarifs réglementés de vente d'électricité pour l'ensemble des très petites entreprises et des petites communes. Il faudra maintenant les mettre en place et, pourquoi pas, les étendre à nos PME, comme prévu initialement. N'en déplaise au rapporteur général, nous pouvons nous en réjouir pour les artisans et les petits commerçants de nos circonscriptions.

Le texte prend également en compte – il était temps ! – la situation de Mayotte, dont l'actualité nous rappelle chaque jour brutalement à quel point les politiques – ou l'absence de politiques – mises en œuvre sur place ont été des échecs.

La commission d'enquête menée par notre collègue Raphaël Schellenberger a montré parfois jusqu'à l'absurde combien les trente dernières années ont été un fiasco en termes de souveraineté énergétique. La guerre en Ukraine s'est chargée de nous le rappeler cruellement. Dommage pour les Français, qui paient chaque jour au prix fort les compromissions idéologiques d'élus souvent peu clairvoyants ou, pire, peu courageux.

Nous aurons beau accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, il faut voir à long terme. Quand aurons-nous enfin un plan ambitieux en matière de souveraineté énergétique ? Les annonces du Président de la République ne suffisent pas. Elles ne suffisent plus, parce que l'électricité n'est pas un bien comme un autre. Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec le rapporteur Jumel lorsqu'il dit que l'électricité est « un bien commun, une exception ».

Ce bien, nous l'avons bradé. Entre la loi Nome et le mécanisme chaque jour plus absurde de l'Arenh, nous sommes devenus les idiots utiles de l'énergie européenne. Non seulement il n'a pas préservé notre économie et nos industries, mais il a encore dégradé la qualité de la fourniture d'électricité. Peut-être serait-il temps d'avoir le courage de tenir tête à l'Allemagne, qui vient de débrancher ses derniers réacteurs et qui rêve de nous voir faire la même chose. Il y va de la compétitivité et de l'indépendance de la France, qui nous fait cruellement défaut depuis vingt ans au nom du sacro-saint couple franco-allemand. En témoigne encore le blocage allemand sur l'hydrogène bas-carbone, produit à partir du nucléaire. Il est un temps pour la négociation, le compromis, et un temps pour l'action.

S'il est encore loin d'être suffisant, le texte dont nous débattons aujourd'hui aura eu un mérite : à défaut d'une nationalisation d'EDF qui, il faut bien le reconnaître, n'aurait pas résolu tous nos problèmes, il était urgent de voir la représentation nationale se saisir à nouveau des enjeux de souveraineté énergétique face à un Gouvernement qui fait trop souvent cavalier seul.

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