Intervention de Emmanuel Lacresse

Séance en hémicycle du jeudi 4 mai 2023 à 15h00
Protéger le groupe Électricité de france d'un démembrement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuel Lacresse :

En conséquence de votre absence de projet commun, le contenu de la proposition de loi après son examen par le Sénat est largement édulcoré, même s'il n'est pas inoffensif.

Au pire ou au mieux – on ne sait –, nous débattons d'un exercice sémantique : de « nationalisation » on est passé à l'estampillage « d'utilité publique ». À la place de l'incessibilité des actifs dont nous avions parlé et qui est désormais oubliée, on est passé à un objet social défini par la loi. Mais l'obsession du démantèlement est restée au faîte de cette proposition de loi, dans le titre. Il couronne un texte écrit dans un langage relevant des fins ultimes caractéristique du XXIe siècle, et introduit des débats qui ressemblent à la défense d'une motion lors d'un congrès au XXe siècle.

Pour l'essentiel en effet, la sagesse du Sénat a rendu votre texte « inerte », comme on le dit d'une barre de combustible. Pourtant, même si votre proposition de loi est méconnaissable, il faut néanmoins protéger les TPE et EDF contre elle.

Les boucliers tarifaires ont été un succès et les cours ont baissé, alors que vous proposez, avec l'extension du tarif réglementé, la désorganisation des contrats. C'est là le principal problème posé par l'article 3 bis . Vous voulez traiter les entreprises comme des particuliers, ce qu'elles ne souhaitent pas. Plus grave, vous voulez forcer à la résiliation des contrats de droit privé avec les opérateurs alors qu'ils ont été souscrits sur une base pluriannuelle. Cela va entraîner une hausse des primes sur ces contrats et, au final, une augmentation des tarifs pour tous les consommateurs, comme vous le savez. C'est bien pour cette raison que le Gouvernement avait recouru au bouclier, à l'accélérateur et, pour les boulangeries, aux guichets départementaux. Nous avons empêché que ces contrats, lorsqu'ils ont été conclus sur la base de tarifs trop élevés, au mois d'août 2022, remettent en cause la viabilité de notre tissu commercial. De grâce, n'inventez pas de nouveaux délais nocifs à nos entreprises.

Surtout, nous devons protéger EDF de cette proposition de loi. La commission des finances, du fait d'une singulière fusion temporaire des oppositions, a produit une vision statique de l'entreprise. Mais EDF ne veut pas de l'immobilisme.

Vous voulez unir ceux qui ne veulent pas du nucléaire et ceux qui ne veulent pas des énergies renouvelables. Vous alliez ceux qui affirment ouvertement leur volonté de faire de nouveau d'EDF un monopole, avec ceux qui, au Sénat, se souviennent, comme les consommateurs, que les prix de l'énergie, avant la crise, ont baissé quand on a ouvert le marché à de nouveaux producteurs et à de nouveaux distributeurs. Vous avez agrégé des éléments épars au fil du texte, ce qui aboutit à un curieux inventaire, incomplet et varié, des activités du groupe. Vous avez fait précéder cette liste de l'adverbe « notamment » et vous l'avez rebaptisée « objet social » d'EDF, comme si votre intention était de recréer un service de l'État alors que nous parlons du plus grand groupe d'énergie au monde, qui sera désormais possédé à 100 % par l'État. Comme l'a dit M. le ministre délégué, vous plongez dans l'incertitude le groupe EDF.

L'heure doit être au rassemblement pour l'énergéticien national, qui n'est jamais sorti du secteur public depuis 1946. Au sein de l'entreprise, personne ne songe à revenir en arrière ou à évoquer un âge d'or perdu. L'âge d'or du groupe EDF est devant lui, car il doit relever le défi de la décarbonation de l'ensemble de notre industrie et des transports à l'horizon 2050.

Hier, nous étions plusieurs parlementaires à nous rendre à la centrale à cycle combiné gaz de Blénod-lès-Pont-à-Mousson. Sur les rives de la Moselle, on construit des batteries uniques au monde pour permettre à EDF de suivre le rythme élevé d'équipement solaire et éolien du pays, qui constitue l'objectif que nous devons nous fixer.

Entre vous, vous n'êtes pas d'accord. Vous éviterez donc soigneusement de parler de vos stratégies concurrentes de démantèlement.

En outre, pour essayer – en vain – de cacher l'irrecevabilité financière de l'article 3 bis, vous avez refusé d'inscrire la compensation qui est due à EDF dans la loi – nous y reviendrons.

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