Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 4 mai 2023 à 15h00
Protéger le groupe Électricité de france d'un démembrement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Construction européenne a souvent rimé avec libéralisation. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'énergie. Sous l'influence des directives européennes, le marché national s'est ouvert à la concurrence, obligeant l'énergéticien EDF à ouvrir son capital en 2005.

La pandémie et la guerre en Ukraine ont révélé les limites de cette politique. L'hiver dernier, la France a dû se préparer à des coupures de courant. Ce risque a constitué un choc pour l'opinion publique d'un pays jusque-là exportateur d'électricité.

Certes, nos concitoyens n'ont finalement pas eu à subir les conséquences de pannes généralisées, mais la situation est loin d'être revenue à la normale : la pénurie d'électricité a conduit à l'explosion des factures énergétiques, entraînant des conséquences sur l'inflation et sur le budget des ménages

Face à cette situation inédite, ni l'Union européenne, ni l'État n'ont été à la hauteur. Non seulement les outils mis en place ont été coûteux pour nos finances publiques, mais ils ont aussi manqué d'efficacité.

Le bouclier tarifaire, par exemple, a limité la hausse pour les particuliers et pour une partie des petites entreprises. Mais combien ont été laissés de côté ? Je ne veux pas rouvrir le débat, mais chacun d'entre nous a entendu parler, dans sa circonscription, d'un boulanger ou d'un artisan qui a vu sa facture exploser et qui lutte pour ne pas mettre la clé sous la porte. C'est pourquoi mon groupe est favorable à la proposition sénatoriale de supprimer le seuil de 36 kilovoltampères qui écartait un certain nombre de PME du dispositif. Ce n'est que justice d'y mettre fin.

De même, nous considérons qu'il faudrait étendre le bouclier tarifaire à l'ensemble des collectivités territoriales. Elles sont nombreuses à fonctionner au ralenti pour limiter les conséquences des hausses des prix de l'énergie sur leur budget. Piscines, musées, gymnases voient leurs horaires d'ouverture rognés pour limiter la consommation énergétique.

Au-delà du bouclier tarifaire, c'est l'ensemble du fonctionnement du marché de l'électricité qu'il conviendrait de revoir. Faire de l'énergie un bien comme un autre a été une erreur. Cela n'a pas permis d'accroître la production, bien au contraire, mais cela a déstabilisé le marché français. Prenez l'Arenh, qui contraint EDF à vendre une partie de son électricité à des concurrents. Il a laminé les comptes du groupe et réduit sa capacité d'investissement sans que n'émergent vraiment de concurrents sérieux. Désormais EDF est considérée, selon les circonstances, comme un service public ou comme une entreprise en concurrence, et ce choix se fait toujours au détriment des intérêts du groupe.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère qu'il est temps de trancher le débat. C'était tout l'intérêt de la proposition de loi initiale.

Certains voyaient dans l'article décrétant la nationalisation du groupe un symbole. Pour nous, c'était un message fort, qui témoignait d'une inflexion de notre politique énergétique, d'une volonté de rendre à l'État les rênes de la production électrique du pays.

La réécriture sénatoriale n'a pas la même portée, puisqu'elle écarte cette dimension symbolique. Elle comporte néanmoins quelques dispositions dignes d'intérêt. Elle fixe dans la loi le principe d'une capitalisation à 100 % détenue par l'État. Cela permet de garantir l'intervention du Parlement en cas de projet de réouverture du capital du groupe. C'est une solution minimale mais nous la considérons néanmoins comme essentielle.

L'énumération des activités du groupe, réintroduite à l'Assemblée, constitue une garantie contre un éventuel démantèlement. On a beau nous répéter que le projet Hercule a été enterré, nous craignons que ce renoncement n'ait rien de définitif. Préciser dans la loi les activités d'EDF constitue une protection contre de futurs assauts. Aux détracteurs de cette énumération, je rappelle que cette liste n'est pas exclusive : elle n'empêche pas le groupe de développer d'autres activités. Elle fixe un plancher et non un plafond.

Avec la reprise de 100 % du capital d'EDF, l'État confortera sa mainmise sur le groupe. L'adoption de cette proposition de loi prémunira le groupe contre un démantèlement. Il restera cependant à relever des défis colossaux : le financement des investissements dans le parc nucléaire, les réformes indispensables du marché européen de l'énergie, ou encore la maîtrise des prix de l'énergie pour les ménages, les entreprises et les collectivités en sont quelques exemples éloquents.

Vous l'aurez compris, le groupe LIOT soutiendra cette proposition de loi.

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