Les concessions autoroutières reposent sur un modèle où le concessionnaire investit massivement en début de concession, arbitrant le mix entre capitaux propres et endettement. Cet investissement massif a une incidence sur la durée des concessions : il s'agit de contrats publics particulièrement longs, le délai permettant l'amortissement des investissements opérés. De ce fait, au moment de la conclusion des contrats et de l'attribution des concessions, tant l'autorité concédante que les candidats à la concession s'appuient sur des hypothèses économiques, notamment relatives au financement. La durée des contrats rend la stabilité des hypothèses retenues très improbable ; ce fut le cas des concessions autoroutières en cours.
Trois facteurs interviennent dans l'équilibre de ce type de contrats : le temps ; le montant des investissements ou le droit d'entrée exigé ; la redevance payée par l'usager. C'est la combinaison optimale de ces facteurs qui permet au régime concessif de réaliser des investissements importants que les seuls moyens publics peineraient à réaliser dans un délai comparable.
Dans ce cadre, quatre points peuvent être évoqués s'agissant des concessions en cours et, plus encore, des clauses à inclure dans les futurs contrats.
Suivant la jurisprudence « Commune d'Olivet » du Conseil d'État, lorsque la rentabilité appréciée sur une longue période excède notablement les hypothèses initiales, on peut envisager la réduction de la durée des concessions. Le devoir de loyauté qui s'applique à tout contrat, même public, doit alors conduire à fixer les limites d'une telle remise en cause. Cette solution doit être envisagée dans le contrat initial, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour les contrats en cours.
La résiliation est un instrument dont les contrats de long terme devraient se doter, en précisant les conditions de sa mise en œuvre.
Les provisions et travaux restant à réaliser dans le cadre des concessions demeurent un sujet d'appréciation complexe. Il importe, là aussi dans le cadre des contrats, de prévoir des modalités contradictoires de contrôle du respect des obligations afin d'assurer que l'intérêt général est garanti par la restitution d'équipements correctement bâtis et entretenus. En cas de non-respect, une sanction financière devrait être appliquée.
Les contrats de longue durée posent la question de l'appréciation des taux d'actualisation et des taux de rentabilité sur des périodes au cours desquelles les hypothèses sous-jacentes – taux de rentabilité interne, rémunération des capitaux investis – peuvent connaître des variations susceptibles d'affecter fortement l'équilibre des contrats. Des clauses de revoyure permettraient d'assurer que la rentabilité interne de ces projets ne crée pas de déséquilibre au détriment de l'intérêt public.
Pour l'intégration de ces clauses de revoyure, contradictoires par construction, nous pouvons compter sur les fruits de l'excellence de la recherche française en finances, notamment sur les travaux des équipes du professeur Noël Amenc au sein de l'Edhec – École des hautes études commerciales du Nord. Grâce à une évaluation de la rentabilité interne des projets fondée sur des comparatifs internationaux, cette méthode aboutirait à objectiver l'activation de la révision des clauses du contrat en vue d'un rééquilibrage du coût payé par l'usager, de la durée d'amortissement financier et de la rémunération du concessionnaire.
Enfin, si les sociétés concessionnaires sont soumises au principe de la commande publique, les sociétés appartenant au même groupe, qui effectuent parfois les travaux, appellent une vigilance particulière, notamment à travers l'expertise des auditeurs légaux.
Les insatisfactions suscitées par les contrats actuels des concessionnaires d'autoroute sont liées à des contrats anciens n'ayant pas intégré de clauses de révision, faute d'une prévoyance suffisante. Sans refaire le match, il est aujourd'hui difficile – et serait probablement très coûteux – de remettre en cause cet édifice contractuel. Toutefois, rédiger à l'avenir des contrats de long terme sans prévoir des dispositifs améliorant les contrôles et prenant en compte les spécificités attachées à leur durée serait fautif.