Sur un plan strictement comptable, la loi de programmation militaire 2019-2025 a, dans l'ensemble, respecté les engagements budgétaires. Cela n'était pas arrivé depuis longtemps ; il nous semblait donc juste de le souligner : voilà qui est fait.
Sur les orientations stratégiques mises en œuvre, notre regard – et cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre – est bien plus nuancé. Souvent présentée comme une loi de réparation, cette LPM nous apparaît plutôt comme l'illustration d'une stratégie politique en échec, que cette stratégie consiste à avoir une guerre d'avance pour mieux préparer la paix ou à investir dans la dissuasion nucléaire au détriment de nos forces de défense.
Je ne détaillerai pas, ici, les dépenses ligne par ligne : d'autres députés, plus experts que moi en la matière, ne manqueront pas de vous interroger à ce sujet ; ils le feront très bien, et je les salue.
Je me permettrai plutôt de pointer, à travers le bilan de cette LPM, les dérives de notre stratégie en matière militaire. Celui-ci permet en effet de voir poindre les erreurs que notre pays risque de commettre dans la LPM à venir. J'en vois au moins deux : une succession de dépenses liées à des opérations extérieures extrêmement coûteuses et un investissement toujours plus grand dans le nucléaire au détriment de notre défense nationale.
D'abord, les opérations extérieures. La France a fait le choix, au cours des trente dernières années, de participer à des guerres, à des conflits, que nous avons parfois nous-mêmes provoqués, comme en Libye. Nos forces ont été rejetées au Mali et notre présence n'a pas apporté la paix promise. En moins d'une décennie, cinquante-huit de nos soldats sont morts au Sahel. Je salue leur courage et la mémoire de ces valeureux soldats tombés dans le cadre des opérations menées dans la région.
Les crédits ouverts dans le cadre de la LPM 2019-2025 ont tous été consommés : 500 millions d'euros par an, rien que pour l'opération Barkhane ! Nous devrions nous pencher sur ces opérations extérieures, dont le nombre est allé croissant au fil des années, du Mali à la Syrie en passant par la Libye, du fait de notre embourbement dans des conflits que l'on nous annonçait très brefs.
Dans le bilan de la période 2019-2025, nous observons les résultats des deux dernières décennies, marquées par l'échec de toutes les solutions de force, de nature militaire essentiellement, qui ont été appliquées dans les divers conflits ou crises. Je souhaite donc que nous nous interrogions sur ces opérations extérieures : ne faut-il pas reconnaître que les solutions militaires ont été un échec depuis vingt ans ? Affirmer qu'il faut « avoir une guerre d'avance » montre que le but de l'action publique est clairement de préparer non plus la paix, mais la guerre…
Le président Macron devient le seul Président de la République à avoir doublé, en l'espace de deux mandats, le budget militaire de la France : de 32 milliards par an en 2017, il passera à 67 milliards par an avec la future LPM. Pour quels résultats ? La France est hors-jeu en Afrique et elle est, hélas ! à la remorque de l'Otan en Europe.
Monsieur le ministre, nous devons avoir avec les Français un large débat sur les choix de la France en matière de paix et de sécurité. Sinon, nous n'aurons pas forcément une guerre d'avance et nous aurons peut-être, malheureusement, une paix de retard.
Quant à la dissuasion nucléaire, la LPM 2019-2025 lui a consacré un effort important, avec une augmentation de 44 % de l'investissement entre 2018 et 2023 : la seule modernisation de l'arme nucléaire représente environ 15 % du budget global annuel de la mission "Défense !" Nous ne souscrivons pas à ce choix, vous le savez. Non pas parce que nous serions, de façon dogmatique, pour une sortie unilatérale du nucléaire, mais parce que nous demandons que la France respecte ses engagements en tant que signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, et qu'à ce titre, elle cesse de la développer. Nous demandons également que la France agisse activement en faveur du traité sur l'interdiction des armes nucléaires.
Pendant que nous consacrons des milliards à la dissuasion nucléaire, l'argent manque cruellement ailleurs : dans nos armées et dans la défense de nos zones maritimes en particulier, où les besoins sont criants face à des menaces de plus en plus précises.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques réflexions que, dans le plus grand respect de nos échanges et de nos différences, le groupe GDR souhaitait apporter à nos débats dans le cadre de l'examen du bilan de la LPM 2019-2025, en vue de la discussion prochaine du futur projet de loi de programmation militaire.