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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Je comprends la volonté du législateur de contrôler le Gouvernement sur cette question importante de l'usage de la force. Elle est normale et démocratique.

M. Poulliat a évoqué la Brav-M, que certains veulent dissoudre. Cela montre qu'ils ne savent pas ce que c'est. La Brav-M n'est pas une unité spécifique, elle rassemble des membres de compagnies d'intervention de la préfecture de police, qui d'ailleurs, contrairement à ce qui a pu être dit, sont formés au maintien de l'ordre. Ces agents utilisent des motos non pas pour intervenir – c'est pourquoi le parallèle avec des affaires remontant à plusieurs décennies est non seulement outrancier, mais insultant et, surtout, ignorant de la réalité – mais pour se déplacer.

Aujourd'hui, les manifestations, lorsqu'elles sont sauvages ou qu'elles dégénèrent, sont beaucoup plus mobiles qu'avant – on le voit, les violences ont changé. Les compagnies d'intervention se déplacent à pied, en voiture ou en camion, et dorénavant à moto. Il n'y a pas d'intervention depuis la moto : arrivé sur place, le passager descend. Le pilote, lui, n'est pas du même service.

Chacun ici connaît Paris, ses grands boulevards haussmanniens et son réseau de petites rues. Avec les changements de sens de circulation, les pistes cyclables et les rétrécissements de voirie, on comprend bien que les interventions de la police à Paris ne se font pas de la même manière qu'il y a trente ou quarante ans. La victoire du maintien de l'ordre républicain dépend de sa capacité à aller vite, plus vite que les personnes qui décident de se décomposer en petits groupes à travers Paris, d'allumer des feux ou d'attaquer des bâtiments.

La Brav-M n'est donc pas une unité qui intervient à moto, mais une unité qui a la possibilité d'utiliser les motos pour se déplacer. De même, monsieur Lemaire, il y a des Brav-M sapeurs-pompiers qui viennent éteindre les départs de feu. Et souvent, les personnes de la Brav-M protègent les pompiers.

Car on ne s'en prend pas qu'aux policiers et aux gendarmes : les pompiers figurent aussi parmi les blessés ! L'argument de l'extrême gauche vaudrait s'il y avait un affrontement bande contre bande, eux contre les policiers et les gendarmes. Mais non, on s'en prend aux pompiers ! Quel rapport avec les instructions que pourrait donner un ministre de l'intérieur particulièrement condamné par l'extrême gauche ? Non, c'est tout ce qui ressemble à l'autorité, à la République telle que nous l'aimons depuis au moins deux siècles, qui est attaqué par les casseurs d'ultragauche, et je ne comprends pas ces condamnations.

J'invite chacune et chacun à rencontrer la Brav-M – M. Poulliat l'a fait – ou à passer une journée avec elle, comme l'Agence France-Presse et BFM l'ont demandée et obtenu. M. Bernalicis a indiqué le 1er avril qu'il avait été invité : chiche ! Monsieur Portes, n'hésitez pas à venir voir la Brav-M lors de la manifestation de demain, vous serez bien reçu. Il est facile d'attaquer personnellement les policiers à travers un micro, mais il l'est moins de leur serrer la main et de voir leur difficile travail.

Monsieur le député du Nord dont j'ai oublié le nom, vous avez évoqué une proximité que nous n'avons pas, car je ne vous croise pas souvent dans mon département du Nord. Vous ne ferez croire à personne que je ne soutiens pas les policiers et les gendarmes. Lors de la dernière campagne présidentielle, Mme Le Pen en revanche a accusé publiquement, au journal de vingt heures, un policier chargé de sa protection d'avoir malmené une militante écologiste qui perturbait sa conférence de presse, avant de reconnaître qu'il s'agissait d'un membre du propre service d'ordre du Rassemblement national. Si quelqu'un se défausse sur les policiers, c'est bien Mme Le Pen et son groupe politique, pas le Gouvernement et la majorité qui le soutient.

En outre, vous dites des choses fausses. Il y a une différence entre le retrait du service général le temps d'une enquête administrative ou judiciaire, et la suspension. Dire qu'un policier est « retiré de la voie publique » ne revient pas à dire qu'il perd sa qualité de policier. Pour sa propre intégrité physique et sa réputation médiatique, quand un policier ou un gendarme est soupçonné d'avoir commis un acte contraire à la déontologie, on le met de côté en attendant que la vérité soit faite. C'est exactement ce qui est arrivé aux deux gendarmes de Sainte-Soline qui ont tiré au LBD depuis des quads : ils ont été suspendus de l'action d'ordre public, mais pas de leur vie de gendarme. L'IGGN rend cette semaine son rapport sur le sujet. Ne faites pas croire ce qui n'est pas vrai, par respect pour les policiers et les gendarmes de la République.

Mme Guetté a dit avec raison que l'on n'empêchera pas la lutte contre le réchauffement climatique en envoyant des policiers et des gendarmes. Le ministère de l'intérieur et ses agents n'ont pas à avoir d'opinion sur les sujets de manifestation. Une partie des policiers sont contre la réforme des retraites – même si, contrairement à la fake news qui a été répandue, ils ne travailleront pas deux ans de plus, puisque l'âge de départ à la retraite n'a pas été reculé pour les catégories actives – mais ils encadrent pourtant la contestation. Certains sont contre les propos que tient la famille politique de Mme Guetté, et pourtant ils protègent les manifestations qu'elle peut organiser.

C'est logique et c'est à leur honneur. Il s'agit de la police de la République, non d'un parti politique. En tant que ministre de l'intérieur, je n'ai pas à exprimer mon opinion ni à orienter celle des services de police. Donc, c'est vrai, ce n'est pas la police ou la gendarmerie qui empêche les tenants d'une cause de s'exprimer.

Indépendamment des noms d'oiseaux qui sont lancés ou des polémiques, la situation soulève un débat philosophique très intéressant. J'entends une partie de l'extrême gauche avancer un argument que vous avez vous-même évoqué de façon différente. Vous dites qu'il n'aurait pas fallu envoyer des policiers et des gendarmes à Sainte-Soline car on savait que l'affrontement serait violent, et qu'après tout ce ne sont que des biens.

Cela signifie d'abord que vous refusez le droit de propriété. Personne n'évoque le fait que les champs des agriculteurs aient été envahis ; si on foulait votre jardin, ce serait peut-être différent – je ne parle pas de vous, madame Guetté, mais en général… Philosophiquement, cela sous-tend nombre de nos désaccords : pour vous donc, puisque la présence de policiers et gendarmes se traduira par des confrontations et donc des manifestants blessés, il ne faut pas les envoyer protéger de simples biens – des bassines, des « trous ». Tout dépend si l'on considère la propriété privée comme du vol ou pas.

Ensuite, il y a des décisions de justice sur les bassines, qui sont un outil pour les agriculteurs – tout le monde les oublie, mais ce sont eux qui ont été harcelés, parfois attaqués. Le rôle de la police et de la gendarmerie est d'appliquer les décisions de justice, pas de dire si le juge a eu raison ou non.

En l'occurrence, l'objectif défini était non seulement de détruire les bassines en préparation, mais aussi d'occuper le site, d'en faire une zone de non-droit. Si les dirigeants de l'époque avaient eu la même réaction que l'actuel gouvernement en voyant arriver l'ultragauche à Notre-Dame-des-Landes, il n'y aurait pas eu de contre-société, ni ce désastre pour l'autorité de l'État – car Notre-Dame-des-Landes nourrit d'autres contestations d'ultragauche.

Oui, les policiers et les gendarmes sont là pour protéger les personnes, mais aussi les biens, et pour faire respecter les décisions de justice. Il ne nous appartient pas de dire que notre opinion personnelle est supérieure à une décision de justice, ni que cette décision est mauvaise par nature et qu'il ne faudrait pas l'appliquer puisque le droit de manifester est supérieur à tout. Les policiers et les gendarmes ont appliqué l'État de droit, c'est-à-dire les décisions de justice prises par des juges indépendants.

Mme Guetté nous a reproché de n'avoir pas donné le statut d'observateur à des membres de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Curieux observateur, qui a appelé à rejoindre une manifestation interdite et attaqué les arrêtés d'interdiction de transport d'armes – avouez que ce n'est pas très pacifique… Quoi qu'il en soit, c'est le tribunal administratif de Poitiers qui lui a refusé le statut d'observateur. Si la décision avait été inverse, nous l'aurions appliquée bien volontiers.

Le problème, c'est donc que vous reprochez au ministère de l'intérieur d'avoir appliqué les décisions de justice. Si vous considérez que le droit est mauvais, faites de la politique pour le changer – sauf que pour l'instant, vous n'êtes pas majoritaire. Mais le droit s'applique à tous, qu'il nous plaise ou nous déplaise.

Je remercie MM. Ciotti et Mandon pour leur soutien franc et massif aux forces de l'ordre. Comme M. Baubry, ils évoquent la question des activistes.

Le ministre de l'intérieur ne crée pas la loi : il applique celle qui a été votée par le législateur et validée par le Conseil constitutionnel, et les décisions de justice qui font jurisprudence. Aujourd'hui, je le répète, le ministre ne peut pas interpeller des personnes au prétexte qu'elles seraient connues des services de renseignement pour leur violence, réelle ou supposée. Contrairement à ce que l'on entend, ce n'est pas parce que 2 200 personnes de l'ultragauche et 1 000 personnes de l'ultradroite sont fichées S qu'elles ont nécessairement commis des actions contraires à la loi. Comme leur nom l'indique, les fiches de renseignement permettent de faire du renseignement, non des interpellations.

Lorsque l'on soupçonne une personne d'avoir commis un délit ou un crime, les forces de l'ordre l'interpellent, la présentent à l'officier de police judiciaire, qui agit sous l'autorité du procureur de la République, la mettent en garde à vue. La garde à vue ne signifie pas que l'on est responsable de quelque chose, mais que l'on vous en soupçonne. Vient ensuite la mise en examen, lorsque des indices graves et concordants sont rassemblés, puis la condamnation, qui est le fait d'un juge, non des services de police.

Voilà le travail des policiers et des gendarmes. Ils ne peuvent pas interpeller en amont une personne qu'ils connaissent comme dangereuse, tant que les faits ne sont pas documentés et judiciarisés. Je livre cet élément à la sagacité du débat parlementaire – et c'est une question compliquée – mais le ministère de l'intérieur ne fait qu'appliquer la loi.

Monsieur Vicot, je suis toujours étonné qu'on mette un signe d'égalité entre la violence de certains et l'action des policiers. Il n'y a pas d'un côté ceux qui mèneraient un combat légitime et de l'autre ceux qui auraient seulement le droit de la force. Il y a d'un côté ceux qui ont le droit de la force et de l'autre, ceux qui ne l'ont pas.

Si des policiers et des gendarmes n'utilisaient pas la force de façon proportionnée, il faudrait les sanctionner. J'en ai sanctionné 111 en 2021 et une centaine en 2022 – parmi 250 000 policiers et gendarmes. Mais en tout état de cause, il y a toujours ceux qui ont la force légitime, donnée par le droit, et ceux qui ne l'ont pas. On ne peut donc pas parler comme vous le faites des « violences, d'où qu'elles viennent ». Ce n'est pas possible. Les policiers et gendarmes ne font que répliquer à des personnes violentes. Ce ne sont jamais eux qui attaquent en premier, dans les rues de Paris ou les champs de Sainte-Soline. La seule question qui peut se poser, c'est de savoir si la réplique a été proportionnée, et la stratégie adaptée.

Par ailleurs, la vidéo montrant des gendarmes « faire la leçon » aux policiers date de 2020. Le journal Libération l'a confirmé, après vérification. Je connais votre honnêteté, mais il faut le dire et le redire : ce n'est pas une vidéo de la Brav-M en 2022.

Madame Faucillon, en 1988, Jacques Chirac parlait déjà de terrorisme intellectuel, et il n'était pas d'extrême droite. Je sais que les relations sont compliquées dans la NUPES en ce moment, mais parlez-en avec M. Ruffin, qui l'a cité récemment.

Madame Regol, je condamne évidemment les menaces et les intimidations, les exactions et les insultes adressées à Mme Tondelier. Elle a pu échanger à plusieurs reprises avec mon directeur de cabinet et a été protégée par des gendarmes lors de l'action militante légitime qu'elle a menée dans le Sud-Ouest.

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