Depuis le début de l'année, les manifestations massives contre la réforme des retraites se sont déroulées sans incident majeur, à la satisfaction des organisations syndicales et de nombreux acteurs. Les huit premières journées, qui ont mobilisé parfois plus de 1 million de personnes réparties dans 300 à 400 manifestations, n'ont connu quasiment aucun incident. S'il y a eu quelques blessés, les blessures ne sont pas graves ; quant au nombre d'interpellations, il est classique compte tenu de l'ampleur des manifestations.
En revanche, la neuvième journée nationale d'action, le 23 mars, a connu des troubles très importants, avec 552 blessés – bien plus chez les forces de l'ordre que chez les manifestants – et 428 interpellations. Ce ne sont donc pas les manifestations qui posent problème mais les violences, les actions de guérilla urbaine.
Lors de cette neuvième journée, la manifestation classique n'a posé quasiment aucun problème, à l'exception de l'entrée de black blocs dans le cortège syndical – nous nous en sommes expliqués avec les représentants syndicaux et la technique a été modifiée. C'est la présence très forte de ce que les services de renseignement appellent l'ultragauche qui a été à l'origine des violences. Selon la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et les renseignements territoriaux – j'invite d'ailleurs vivement les membres de la délégation parlementaire au renseignement à consulter les notes classifiées, que je ne peux dévoiler – la journée d'action a été prise en main par des cortèges de l'ultragauche dans une trentaine de villes, notamment dans l'ouest de la France et en région parisienne. Leur but était de s'en prendre physiquement aux représentants des institutions républicaines – policiers, gendarmes, élus – et aux sites institutionnels, avec de très nombreuses attaques contre les commissariats, les préfectures, les sous-préfectures, les mairies et ce qu'ils appellent les symboles du capital.
Lors des deux journées d'action postérieures au 16 mars, nous avons constaté une très forte poussée des violences de l'ultragauche, donnant lieu à 1 851 interpellations. Nous avons enregistré 299 atteintes à des institutions publiques, lesquelles n'avaient parfois rien à voir avec la réforme des retraites – chacun sait que le maire de Bordeaux, étiqueté Europe Écologie-Les Verts, n'y est pas favorable et que la mairie du 11e arrondissement de Paris n'est pas tenue par des élus de la majorité. Des commissariats, des sous-préfectures, des conseils départementaux ont été attaqués à coups de cocktails Molotov. Ce n'est pas nouveau : pendant l'examen de la loi El Khomri, l'ultragauche s'en était prise à l'hôpital Necker. Les atteintes aux institutions publiques étaient ciblées et organisées, parfois totalement en marge du parcours même de la manifestation. Nous avons recensé 132 atteintes de permanences parlementaires, 33 plaintes de membres du Gouvernement ou d'élus pour des menaces ou pour des outrages, ainsi que des dégradations majeures – 2 500 incendies de voies publiques, 58 incendies de véhicules et 13 incendies de bâtiments, dont certains auraient pu virer au drame.
Les images enregistrées pendant ces manifestations sont impressionnantes. Sur une vidéo tournée à Lyon, dans une rue perpendiculaire à la manifestation, on voit des jets incessants de pavés, pendant plus de douze minutes, sur les représentants des forces de l'ordre. De même, les images tournées à Dijon, non pas dans la manifestation mais dans une rue perpendiculaire, ne sont pas de l'ordre de la manifestation classique. À Paris, à côté de la place de l'Opéra, les policiers et sapeurs-pompiers ont très courageusement évacué une dizaine de personnes, dont des enfants, d'un immeuble en flammes. On nous demande parfois pourquoi la police se donne la peine de protéger les biens : ça sert à éviter des drames.
À Sainte-Soline, la contestation est ancienne, puisque des dégradations ont été commises dès 2021, causant des préjudices de plusieurs centaines de milliers d'euros aux agriculteurs. En 2022, une manifestation très importante a fait 61 blessés chez les gendarmes, dont plusieurs très grièvement. On avait évoqué la présence de quelque 500 black blocs lors des affrontements très violents avec la police et la gendarmerie.
Nourris de ces expériences et informés par les services de renseignement de l'européanisation, voire de l'internationalisation de la violence, nous avions préparé ce rendez-vous de Sainte-Soline. La manifestation organisée par des mouvements pacifistes à Melle n'a donné lieu à aucun incident. En revanche, des confrontations directes ont eu lieu au cours de la manifestation non déclarée, qui avait fait l'objet d'un arrêté d'interdiction par la préfète des Deux-Sèvres, le 17 mars. En outre, deux conférences de presse avaient été tenues par la préfète et une par le procureur de la République avant la manifestation. L'arrêté d'interdiction n'a pas été contesté par les personnes « organisatrices ».
Préalablement, dans un courrier du 10 mars, la préfète des Deux-Sèvres avait fait part de son intention d'interdire la manifestation aux organisateurs identifiés, notamment Les Soulèvements de la Terre, Bassines non merci et la Confédération paysanne – c'est important dans le cadre des enquêtes judiciaires ouvertes sur la responsabilité des organisateurs, chargés d'organiser les secours. Le courrier est resté sans réponse, mais il a été reçu puisqu'il a été suivi d'un communiqué de presse annonçant que la manifestation était maintenue. Entre le 17 et le 22 mars, huit arrêtés d'interdiction ont été pris par la préfète, en particulier pour éviter le transport d'armes et la circulation d'engins agricoles sur le site de la manifestation. Deux de ces arrêtés, dont celui sur le transport d'armes, ont été contestés notamment par la Ligue des droits de l'homme devant le tribunal administratif, qui a donné raison à chaque fois à la préfète des Deux-Sèvres ; celle-ci a donc toujours agi en conformité avec le droit.
Nous avons tenu beaucoup de réunions techniques avec le directeur général de la gendarmerie nationale et les préfectures concernées, y compris une réunion présidée par la Première ministre le 22 mars en présence des ministres de la justice, de l'agriculture et de l'écologie.
Nous avons fait des contrôles en amont. Les services de renseignement des pays étrangers nous avaient informés que de nombreuses personnes de l'ultragauche ou de l'écologie radicale souhaitaient se rendre à Sainte-Soline – des Espagnols, des Italiens, des Suisses et des Allemands notamment. Nous avons donc mis en place un dispositif très en amont, contrôlant 24 000 véhicules aux frontières et à proximité de Sainte-Soline. À la suite de ces contrôles, 20 procédures ont été ouvertes, 62 couteaux ont été saisis, 67 boules de pétanque, 13 haches, 5 battes de baseball, 6 bidons d'essence, 20 aérosols et bonbonnes de gaz et 7 mortiers d'artifice – le rendez-vous était donc assez peu festif. Nous avons déployé 3 200 gendarmes et policiers. Je signale à la commission des lois que les gendarmes n'étaient pas autorisés légalement à faire voler leurs drones, mais que les « manifestants », eux, en ont largement fait usage.
En avril 2019, le Conseil constitutionnel a censuré la mesure qui instituait une interdiction administrative de manifester d'une durée maximale d'un mois pour les individus auteurs d'actes de violence. Elle nous aurait pourtant permis d'éviter la présence à Sainte-Soline d'un certain nombre d'individus très dangereux, qui avaient déjà participé aux manifestations sauvages et très violentes contre la réforme des retraites à Rennes, à Nantes ou à Lorient. Comme pour les drones, les gendarmes ont respecté le droit : ces individus violents n'ont pas eu l'interdiction de participer à la manifestation ; malheureusement, ils ont mené une attaque extrêmement violente contre les gendarmes.
La présence de l'ultragauche ou de l'écologie radicale à Sainte-Soline est parfaitement documentée. Les services du ministère de l'intérieur estiment que, sur 8 000 manifestants, un millier de membres de l'ultragauche française et européenne étaient venus chercher l'affrontement avec les gendarmes, lesquels ont saisi plus de 800 objets – cocktails Molotov, armes blanches, etc. Parmi les gendarmes, 48 ont été blessés, dont certains grièvement, tandis que 4 manifestants ont été blessés grièvement, dont 2 très grièvement.
Je souhaite revenir sur la chronologie de l'intervention des secours parce qu'elle a beaucoup fait parler. Nombre de fake news ont circulé, et je me réjouis qu'un travail journalistique ait permis d'y mettre fin.
La veille de la manifestation interdite, le vendredi 24 mars, des voies ferrées sont envahies, mettant en danger les manifestants et les voyageurs présents dans les trains. La circulation est arrêtée entre Angoulême et Poitiers sur la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux. Puis 300 black blocs dégradent les barrières d'accès aux voies.
Le 25 mars au matin, trois catégories de convoi s'organisent : un convoi « ultra », un convoi « familles » et un convoi contestataire classique non violent. Vers dix heures, les cortèges s'élancent vers la bassine, qui est distante de 6 kilomètres. À douze heures quarante ont lieu les premières échauffourées avec les gendarmes, qui reçoivent des tirs de mortier et des cocktails Molotov et répliquent avec des gaz lacrymogènes.
Vers treize heures, alors que les trois cortèges sont arrivés à la bassine SEV 15, un groupe d'environ 1 000 black blocs se détache et fonce vers les gendarmes, provoquant les affrontements très durs que l'on a tous vus à la télévision. Ils sont lourdement armés. Quatre véhicules sont incendiés avec des cocktails Molotov d'un genre nouveau, peu connus des forces de l'ordre. Les gendarmes utilisent des grenades anti-désencerclement, assourdissantes et lacrymogènes pour se dégager ; ils sont alors à quelques mètres des casseurs et ne lâcheront jamais leur ligne défensive : il n'y a pas eu d'offensive des gendarmes dans les champs de Sainte-Soline.
Vers quatorze heures vingt, les black blocs se replient, puis mènent un nouvel assaut vers quinze heures, ce qui rend la situation extrêmement confuse. Dès quatorze heures trente-cinq, un peloton spécialisé encadre un médecin du GIGN (groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) pour lui permettre de fendre la foule hostile et de secourir les opposants, dont un grièvement blessé. Ils y parviennent malgré le harcèlement dont ils sont l'objet. Le groupe de gendarmes est toutefois obligé de se replier : le médecin du GIGN, seul, apporte courageusement les premiers soins à une victime, en dépit des jets de pierres, des insultes et du harcèlement. À dix-sept heures trente, les assaillants retournent à leur camp de base en commettant des dégradations, pendant que l'État s'occupe de l'évacuation des blessés.
Je souhaite revenir sur l'accusation selon laquelle les gendarmes auraient empêché les secours d'intervenir, accusation qui met en cause leur honneur et celui de l'État. Chacun sait désormais que ce n'est absolument pas le cas. Un premier appel est passé aux pompiers à treize heures quarante-neuf, et un deuxième au Samu à treize heures cinquante. La géolocalisation est opérée, ce qui n'est pas évident dans un champ de 6 kilomètres, et à quatorze heures une le Samu est enclenché. Parallèlement, les pompiers qui étaient à proximité cherchent le blessé au milieu des champs, sans succès, une partie d'entre eux étant par ailleurs harcelés par les « manifestants ». À quatorze heures quarante-cinq, le Samu s'engage à son tour à l'intérieur du site, ralenti à plusieurs reprises par des manifestants, soit pour recevoir des soins parce qu'ils sont blessés, soit pour le prendre à partie. Entre quatorze heures trente-cinq et quatorze heures cinquante, la gendarmerie envoie le médecin que j'évoquais, qui engage les premiers secours alors qu'il est lui-même la cible de projectiles. Il reste aux côtés du blessé. L'hélicoptère de la gendarmerie est mobilisé, mais comme il n'est pas médicalisé, le médecin préfère attendre l'hélicoptère du Smur (structure mobile d'urgence et de réanimation).
J'appelle votre attention sur le tract distribué à Sainte-Soline et que vous trouverez sur les réseaux sociaux. Vous constaterez qu'il est fait avec une certaine recherche. Il donne des conseils aux manifestants : ne pas donner son identité, ne pas avoir de pièce d'identité sur soi, se présenter directement dans les hôpitaux sans jamais passer par les services de secours sur site, toujours payer en argent liquide. Il donne aussi des numéros de téléphone, d'ailleurs intéressants pour les services de renseignements. Il y avait donc une organisation. Les violences étaient prévues, avec des conseils pour « avant l'événement », « pendant l'action » et « après l'événement », et une liste des équipements nécessaires pour la confrontation avec les gendarmes. Bref, je pense que l'on peut dire qu'il y avait préméditation.
Le problème n'est pas tant les manifestations – il y en a une trentaine tous les week-ends autour de la préfecture de police à Paris, une centaine chaque semaine, pour diverses raisons, et il y a de très grosses manifestations, comme le 31 décembre, avec 2 millions de personnes à Paris – que leur infiltration par l'ultragauche. Ce problème, loin d'être propre à la France, se retrouve aussi au niveau européen et international : on peut penser au G20 de Hambourg, en 2017, avec trois jours de déferlement de violence – où étaient d'ailleurs présents de nombreux individus de l'ultragauche française –, au G8 de Rostock, en 2007, avec un millier de blessés, ou au G20 de Londres, en 2009, qui a conduit à la mort d'un passant.
Les ZAD (zones à défendre), en fait des zones de non-droit, donnent également lieu à des violences. Il y a trois mois, à Lützeraht, en Allemagne, de violents affrontements, au cours desquels les policiers ont essuyé des tirs d'engins pyrotechniques et des jets de projectiles, ont causé 70 blessés parmi les forces de l'ordre et 20 parmi les manifestants. En janvier également, à Atlanta, une ZAD a été créée par l'ultragauche pour empêcher la construction d'une école de police ; il y a eu un mort et de nombreux blessés. On peut multiplier ces exemples de violence politique qui prend en otage les manifestations légitimes. Les images des affrontements en Allemagne et en Italie sont particulièrement impressionnantes.
Notre difficulté tient donc à une ultragauche très présente depuis le début des années 2000. La première grande mobilisation concernée a été celle contre le CPE (contrat première embauche), au printemps 2006. On se rappelle ensuite des affrontements autour du projet de barrage de Sivens, sous un gouvernement socialiste, avec le décès d'un jeune homme et 58 policiers blessés, ou de Notre-Dame-des-Landes, où 108 gendarmes ont été blessés et où la contre-société était lourdement armée. L'examen de la loi « travail », ou El Khomri, en 2016, également sous un gouvernement socialiste, a donné lieu à un niveau de violences inégalé, plus fortes que celles que nous venons de connaître. Enfin, pendant la crise des gilets jaunes, les services de renseignement ont documenté de manière incontestable l'infiltration par l'ultragauche d'une partie du mouvement social en vue de le radicaliser.
Les services de renseignement évoquent quarante-deux projets contestés sur le territoire national – qu'importe le projet, pourvu que l'on puisse exercer de la violence contre les forces de l'ordre ou l'État ! Ces projets sont très différents. Certains peuvent apparaître polluants, comme l'extension de l'aéroport de Lille ou le projet d'autoroute Castres-Toulouse, alors que d'autres semblent répondre à un objectif écologique, comme la construction de lignes de TGV. Ces contestations apparaissent dans tout le territoire, mais sont particulièrement présentes dans l'ouest et dans le sud-ouest de la France. Nous savons déjà que nous devrons faire face à des projets d'installation de ZAD, comme c'était le cas à Sainte-Soline, ainsi qu'à des manifestations très violentes contre les forces de l'ordre et contre les symboles de l'État – l'autoroute Castres-Toulouse sera sans doute le prochain objectif de l'ultragauche. Sur les quarante-deux projets, dix-sept sont qualifiés par les services de renseignement comme étant susceptibles d'entraîner une radicalisation. C'est évidemment une préoccupation pour les femmes et les hommes politiques, mais aussi pour tous les citoyens.
Une fois le constat de la radicalisation fait, il faut des réponses. Devant cette même commission, j'avais déjà souligné le fait que l'État devait moderniser son schéma de maintien de l'ordre et lui accorder davantage de moyens. Nous avons donc rédigé, pour la première fois, un schéma du maintien de l'ordre, qui a été validé par le Conseil d'État.
La difficulté est de former les policiers et les gendarmes qui en seront chargés, puisqu'il s'agit d'un métier spécifique et qu'il manque des effectifs. Chacun sait que quinze escadrons de gendarmerie et de CRS ont été supprimés au cours des vingt dernières années. Nous sommes en train de les reconstituer, mais cela prend du temps. Dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), vous avez décidé la création de onze nouvelles unités de forces mobiles, qui aideront les policiers et les gendarmes spécialisés.
Il n'existe pour l'instant qu'un centre d'entraînement, le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. La gendarmerie excelle dans le maintien de l'ordre de caractère rural, même si elle apporte son aide au maintien de l'ordre urbain. Nous avons acheté au ministère de la défense un site à Villeneuve-Saint-Georges, en région parisienne. Nous sommes en train de l'aménager pour qu'il puisse servir de centre d'entraînement commun aux agents de la préfecture de police spécialisés dans le maintien de l'ordre, policiers et gendarmes. Désormais, tous les membres du corps préfectoral sont formés au maintien de l'ordre – ce qui n'était pas le cas avant mon arrivée au ministère.
Nous avons aussi mis fin à l'utilisation de certaines armes, notamment aux grenades contenant de l'explosif : outre les grenades lacrymogènes, seules les grenades assourdissantes lancées à la main ou au lance-grenades sont autorisées.
La difficulté, qui avait été soulignée lors de l'examen de l'article 24 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, est de faire la liaison entre ceux qui font l'information, les services de police, et les manifestants ou les casseurs. Il était aussi nécessaire de clarifier les sommations. Des caméras-piétons équipent désormais la quasi-totalité des forces de police et de gendarmerie ; les quelques exceptions sont en cours de résorption. Cela change beaucoup de choses. Le rapport Delarue sur les relations entre la presse et les forces de l'ordre nous a beaucoup aidés, notamment pour ce qui regarde l'identification des journalistes. Enfin, à la suite de la décision du Conseil d'État de juin 2021, les mesures d'encadrement des nasses : j'entends parfois dire que la technique de la nasse est interdite, mais c'est faux ; elle est conçue différemment.
Des moyens inédits sont consentis pour le maintien de l'ordre. Ne serait-ce que cette année, nous créons un grand nombre de postes de gendarmes mobiles et de CRS. Depuis mon arrivée au ministère, le nombre de sections d'une compagnie a été porté de trois à quatre. Nous devons d'ailleurs jusqu'à quarante jours de congé à certains CRS et gendarmes mobiles, ceux-ci étant chargés de nombreuses missions.
En effet, nombre d'élus de tous bords politiques réclament leur présence, par exemple l'été dans les stations balnéaires, l'hiver dans les stations de sports d'hiver, ou encore pour des manifestations sportives ou culturelles. Les discussions autour de l'organisation des Jeux olympiques sont d'ailleurs l'occasion de vérifier cet amour qu'on leur porte, tous les festivals culturels ayant souligné l'importance de leur présence. Ils sont également très sollicités dans les outre-mer, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou en Guyane – votre commission m'a d'ailleurs saisi au sujet de la violence qui s'y déploie. Seules les unités de forces mobiles ont capables de rétablir ainsi la paix publique : en général, après qu'elles ont été envoyées, tout rentre dans l'ordre…
S'agissant des aspects déontologiques, quarante et une enquêtes judiciaires sont en cours à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et quatre à l'IGGN, sous l'autorité de magistrats. J'ai demandé par ailleurs trois enquêtes administratives à l'IGPN et une à l'IGGN. Dans le premier cas, les éventuelles sanctions dépendent de l'autorité judiciaire. Lorsque des mises en examen impliquent que les policiers ou les gendarmes ne doivent plus être sur la voie publique ni travailler dans certains services, ou doivent être désarmés, nous appliquons ces mesures immédiatement et nous attendons, comme le prévoit la jurisprudence, la fin de l'enquête judiciaire pour prendre d'éventuelles sanctions administratives. Lorsqu'il n'y a pas d'enquête judiciaire, l'IGPN et l'IGGN doivent désormais rendre leur rapport dans un délai de trois mois. Depuis la Lopmi, et à ma demande, nous publions ces rapports. Les directeurs généraux prennent leur décision après le conseil de discipline dans les trois mois qui suivent les enquêtes administratives. Ces mesures s'appliqueront donc pour les quatre cas que j'ai signalés et les éventuelles sanctions seront connues immédiatement.
Je rappelle que si les policiers et les gendarmes représentent moins de 5 % de la fonction publique, ils concentrent 55 % des sanctions disciplinaires. Il serait intéressant de faire une comparaison avec les autres ministères. Il est normal que les policiers et les gendarmes soient contrôlés, mais d'autres ministères ont eux aussi beaucoup de pouvoir et je ne suis pas certain que les fonctionnaires qui en relèvent ne commettent jamais d'erreur ou ne rencontrent aucune difficulté. Il est donc faux de dire que les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis à des contrôles et à des sanctions.
Les Soulèvements de la terre ne sont pas une association, c'est un groupement de fait. Il n'y a donc pas d'atteinte à la liberté d'association. Les services de renseignement et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur l'ont caractérisé ainsi après l'observation de l'usage de téléphones communs, de nombreux appels groupés, de fréquentes réunions aux mêmes endroits, de la signature de tracts ou de communiqués de presse. Il est évident que ces personnes sont rassemblées en vue d'atteindre des objectifs. Elles étaient, pour une très grande part, déjà suivies par les services de renseignement depuis Notre-Dame-des-Landes. La procédure contradictoire que nous avons engagée fait état d'appels au soulèvement – d'ailleurs explicites dans le nom de l'organisation – ainsi qu'à la violence, notamment contre les institutions républicaines et les forces de l'ordre.
L'État examine avec attention la responsabilité des organisateurs, notamment dans les événements qui se sont produits à Sainte-Soline. Ces derniers sont désormais documentés et les informations seront transmises à la justice. Malgré plusieurs interdictions émises par la préfète et portées à la connaissance de tous, il y a eu organisation d'une manifestation pour partie violente. La justice aura à trancher cette question de la responsabilité, notamment pour ce qui concerne l'intervention des secours. Le droit veut que l'organisateur soit responsable de la manifestation, y compris, d'après la jurisprudence, lorsqu'elle est organisée sans support juridique, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de déclaration préalable.
Il est difficile d'évaluer le nombre de black blocs étrangers présents sur place. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une européanisation – si ce n'est plus – de cette violence. Nous avons procédé à de nombreuses interpellations aux frontières avec l'Italie, l'Allemagne et la Suisse, à partir de renseignements transmis par les services étrangers. Nous leur rendons d'ailleurs la pareille lorsque des événements similaires sont organisés sur leur territoire – ce fut le cas en Allemagne récemment. Je vous invite à consulter la délégation parlementaire au renseignement si vous souhaitez plus de détails.
Cela nous a permis d'éviter la présence de personnes extrêmement dangereuses. Cela étant, vous savez bien qu'on ne peut pas interpeller ni faire condamner de façon préventive des personnes, quand bien même un service étranger nous les aurait désignées, au motif qu'elles seraient susceptibles de commettre des actes répréhensibles ou violents. On ne peut que les empêcher d'entrer en France par une interdiction administrative du territoire. C'est ce qui a été fait par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui a permis de bloquer un certain nombre de personnes étrangères très violentes qui se rendaient à Saint-Soline.