Intervention de Stéphane Vojetta

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Vojetta, rapporteur :

Pas seulement ! Les Français qui habitent à Monaco sont des contribuables français et restent résidents fiscaux français. Monaco est tout sauf un paradis fiscal pour eux.

Si nous restons un interlocuteur majeur pour l'Andorre, nous sommes néanmoins en perte de vitesse par rapport à notre voisin espagnol. En 2022, l'Espagne a fourni plus de 65 % des importations de biens de l'Andorre et a été destinataire de plus de 76 % de ses exportations de biens, loin devant nous. La Catalogne, en particulier, a réussi à devenir le partenaire quotidien de l'Andorre, en s'appuyant sur une proximité géographique, culturelle, démographique et linguistique. Les résidents espagnols sont sept fois plus nombreux que les résidents français et un grand nombre de ressortissants espagnols ont été nommés à des responsabilités clés dans la Principauté. En outre, des représentants de la diaspora andorrane font souvent carrière en Espagne, notamment à Barcelone, puis reviennent en Andorre pour y exercer des postes importants au sein du gouvernement à la suite de processus démocratiques, notamment des élections.

Les étudiants de l'Andorre, même lorsqu'ils sont issus de l'enseignement secondaire français, choisissent souvent, eux aussi, de poursuivre leur formation dans les universités espagnoles. La génération montante, formée pendant vingt ans en Espagne, a par conséquent moins d'attaches avec la France. Il y a là un point de vigilance pour nous et pour le Quai d'Orsay ; celui-ci en est d'ailleurs conscient.

Pour en venir plus précisément à l'accord, de nombreuses conventions similaires ont déjà été conclues par la France, et la commission des affaires étrangères n'a pas manqué d'en autoriser l'approbation. Leur objet ne peut qu'être salué, puisqu'il s'agit d'autoriser, sur une base de réciprocité, les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles à occuper un emploi pendant la durée d'affectation des agents concernés. Ces accords contribuent ainsi à une meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle de ces agents et de leurs familles.

Il faut en effet avoir à l'esprit que les conjoints et les autres membres de la famille du personnel des ambassades et des consulats sont régis par un statut spécial. Ils séjournent dans le pays d'accueil en vertu d'un titre dérogatoire au droit commun et bénéficient de certaines garanties juridiques, notamment des immunités pénales. Ce statut est fixé par les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963 relatives aux relations diplomatiques et consulaires. Les privilèges et immunités dont bénéficient ces personnes ont souvent pour effet de dissuader d'éventuels employeurs de les embaucher, privant ainsi les familles d'un complément de revenu parfois précieux.

L'accord dont il est question d'autoriser l'approbation, comme les précédents qui ont été conclus, facilite l'exercice d'un travail par le conjoint ou le membre de la famille. Celui-ci reçoit l'autorisation d'exercer une activité professionnelle tout en conservant le titre de séjour spécial que lui confère son statut de conjoint d'agent d'une mission officielle. Il garde donc les privilèges et immunités prévus par les conventions de Vienne. Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement son emploi, il ne peut plus se prévaloir d'une immunité de juridiction civile ou administrative. S'il garde concernant son emploi une immunité de juridiction pénale, l'État d'accueil peut cependant, en cas de délit grave, demander la levée de cette immunité ; l'État d'envoi doit alors examiner sérieusement cette demande.

L'accord détaille la procédure à suivre pour se voir octroyer l'autorisation d'exercer un emploi. La demande doit émaner de l'État d'envoi et être adressée à l'État d'accueil. Elle peut être refusée dans les cas où, pour des raisons de sécurité, d'ordre public ou de sauvegarde des intérêts de l'État, seuls des ressortissants de l'État d'accueil peuvent être embauchés. Ainsi, en Andorre, il existe une certaine préférence nationale pour des emplois bien déterminés.

La personne concernée est soumise à la législation sociale et fiscale de l'État d'accueil. L'autorisation accordée ne la dispense pas de satisfaire aux obligations liées à l'activité en cause, par exemple en matière de diplômes ou de qualifications professionnelles. Le champ de l'accord inclut aussi bien les diplomates que le personnel technique et administratif des ambassades et des consulats. C'est d'ailleurs pour la famille du personnel de ces catégories que la question se pose réellement : il ne s'agit pas uniquement de permettre à l'épouse de l'ambassadeur d'exercer une profession susceptible d'occuper ses nombreuses heures perdues. Le personnel administratif peut être confronté à des difficultés de logement. En Andorre, par exemple, le logement est rare et cher, du fait des caractéristiques géographiques et sociologiques du pays. La possibilité pour un membre de la famille d'exercer une activité professionnelle aide à équilibrer le budget familial.

L'activité concernée peut être salariée ou non salariée ; l'accord inclut aussi les professions libérales. Quant aux « membres de la famille », ce peuvent être aussi bien les conjoints ou partenaires liés par un contrat d'union légale que les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans, ou encore les enfants présentant un handicap physique ou mental et vivant à la charge de leurs parents.

En résumé, l'accord soumis à notre vote ne peut apparaître que bienvenu au regard des avantages qu'il est appelé à procurer aux personnes concernées et à leurs familles. Quand un agent part à l'étranger, son conjoint est souvent obligé d'interrompre sa carrière, avec les difficultés que cela implique pour la renouer ensuite. Le dilemme est alors soit pour l'un de renoncer à la décision d'expatriation, soit pour l'autre de sacrifier sa carrière. L'accord en question a pour but de répondre à ces difficultés. Il est de nature à contribuer à l'unité des familles et à la poursuite de l'objectif de parité entre les conjoints.

Certes, en l'espèce, la portée concrète de l'accord peut paraître modeste, dans la mesure où l'ambassade de France en Andorre ne compte que quatre agents, de même que l'ambassade de l'Andorre en France – auxquels s'ajoutent deux agents affectés auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg ; mais l'approbation de l'accord du 4 mai 2021 permettra aux conjoints des intéressés, s'ils le souhaitent, d'exercer une activité professionnelle, ce qu'aucun d'entre eux, jusqu'à présent, n'avait pu faire. Pour nos compatriotes affectés en Andorre, cela peut être particulièrement intéressant car le coût de la vie y est élevé, alors que l'indemnité d'expatriation qui leur est versée est la plus faible accordée pour une mobilité en Europe, étant donné le faible éloignement.

Cet accord contribuera aussi à la poursuite de l'objectif d'égalité femmes-hommes, puisque la proportion de conjoints féminins accompagnant un agent à l'étranger est plus forte que celle de conjoints masculins dans la même situation. En cela, l'accord franco-andorran du 4 mai 2021 s'inscrit dans le cadre du plan d'action triennal 2021-2024 du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Pour toutes ces raisons, son approbation me paraît particulièrement opportune. Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui l'autorise.

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