M. Reynaud et moi-même travaillons depuis longtemps sur la désinformation au sein des réseaux sociaux. Trois caractéristiques du fonctionnement de AIMS et de Team Jorge nous ont particulièrement intrigués.
D'abord, le degré de sophistication technique qu'ils atteignent est assez notable. Pour créer ses faux comptes, Team Jorge a recours à des méthodes assez élaborées, qui lui permettent de contourner les protections des grands réseaux sociaux. Par ailleurs, la plateforme est en constante évolution. D'après les constatations de nos confrères sur place, elle a intégré un outil d'intelligence artificielle pour automatiser l'écriture des messages de propagande ou de désinformation.
Ensuite, nous avons fait le constat, un peu contre-intuitif compte tenu de l'ampleur de ce réseau et de sa sophistication, que certaines de ses campagnes ont une efficacité très limitée, voire nulle. Dans de nombreux cas, les faux comptes animés par Team Jorge communiquent entre eux sans jamais réussir à susciter l'intérêt du grand public. En revanche, si ces campagnes font intervenir de faux documents ou des projets assez élaborés pour détruire la réputation d'une personne, les dégâts causés peuvent être considérables.
Enfin, le plus surprenant pour nous a été de constater que de très nombreux clients de ces services sont des acteurs privés. On a l'habitude de penser la désinformation en termes de rapports interétatiques et d'action des services de renseignement. Nous avons trouvé des entreprises, des hommes d'affaires, des personnes mises en cause par la justice de leur pays. Ce constat est assez inquiétant : les services de ce genre sont désormais à la portée de quiconque a les moyens de se les offrir.