Cette discussion apparaîtra à beaucoup, je le crois, comme une véritable bouffée d'air frais. Nous avons en effet subi, au cours des cinq dernières années, des immixtions assez virulentes du pouvoir politique dans les travaux des laboratoires de recherche scientifique. Je pense notamment aux campagnes menées au nom de la lutte contre l'islamo-gauchisme par votre prédécesseure, ainsi que par M. Darmanin – qui, en la matière, est sans doute aussi qualifié que l'inquisiteur jugeant Galilée.
Ce préambule sur la production scientifique étant fait, se pose la question de la diffusion de la culture scientifique, que nous appelons de nos vœux. En l'espèce, il importe de définir clairement les termes du sujet. Chacun sait – et vous êtes une des mieux placés pour cela, madame la ministre – que les sciences ne sont pas un ensemble de connaissances : ce sont avant tout des procédures collectives de validation des savoirs. Or nous assistons à un phénomène étonnant : au collège, les tâches relevant de l'expérimentation, de la réalisation ou de la manipulation disparaissent progressivement des cours scientifiques, au profit de pratiques relevant plutôt de la mémorisation ou de l'apprentissage à caractère uniquement théorique et scriptural.
Que faire pour y remédier ? Que proposez-vous, en matière de pratiques scolaires, afin que la science soit envisagée comme une activité et non exclusivement comme un apprentissage – ce qui peut lui donner un caractère abstrait ?
De même, j'entends qu'il faut permettre à chacun de mobiliser au maximum ses facultés de réflexion critique au niveau individuel. Cependant, quelle place les différentes formes de production technoscientifiques doivent-elles accorder, selon vous, aux citoyens – car il existe une relation de pouvoir entre scientifiques et citoyens. Cette question rejoint en partie celle de la recherche participative que vous évoquiez tout à l'heure mais en incluant la dimension de responsabilité sociale et éthique des scientifiques vis-à-vis du grand public.