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Intervention de Aurélien Saintoul

Séance en hémicycle du mercredi 5 avril 2023 à 21h30
Contrer le recul de la culture scientifique à l'école au sein de l'État et dans nos politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Saintoul :

À vrai dire, ce genre de notion se laisse mal mesurer et je craindrais de faire preuve d'un peu de paternalisme à l'égard de nos concitoyens si j'affirmais que la science recule dans notre pays. On a tôt fait de juger des autres par soi-même ou de faire de sa situation sociale un piédestal d'où l'on jugerait le peuple – voire la foule, pour employer un vocable macroniste. Je ne voudrais pas commettre cette faute contre la méthode. En revanche, l'évocation de la culture scientifique soulève immédiatement deux questions : d'une part, celle des carrières scientifiques elles-mêmes ; d'autre part, l'importance et le crédit que le débat public démocratique réserve à la science.

Pour ce qui est des carrières, j'espère qu'un consensus existe entre nous sur le fait que notre pays ne les met pas suffisamment en valeur. Le nombre d'ingénieurs en formation ou en activité n'est pas suffisant pour satisfaire les besoins. L'indépendance de la France est effectivement conditionnée par sa capacité à former des ingénieurs, des techniciens et, bien entendu, des ouvriers qualifiés, dont les travaux nous permettront de ne pas dépendre de nos alliés dans le domaine de l'espace, de la santé, de l'intelligence artificielle, du numérique et bien d'autres encore.

Je m'empresse d'ajouter que le problème est d'autant plus grave que, ces dernières années, la réforme du baccalauréat décidée par Jean-Michel Blanquer a fait plonger le nombre de jeunes filles engagées dans des voies scientifiques. Même si son successeur a annoncé vouloir corriger le tir, pour plusieurs classes d'âge, le mal est fait. On peut en tout cas affirmer que la promotion des sciences en France passe nécessairement par une stratégie volontariste auprès des jeunes filles et des femmes, comme cela a été dit précédemment.

J'ai dit que les carrières scientifiques ne sont pas assez mises en valeur. Cela tient, bien entendu, aux représentations qui sont véhiculées par de nombreux médias et à l'insuffisance des modèles sociaux que nous voulons nous donner. Le fait me semble assez évident que les grands savants de notre temps ne sont guère donnés comme des exemples de réussite. Le problème, si vous voulez bien reconnaître que c'en est un, vient de haut : quand un futur Président de la République exhorte la jeunesse de notre pays à rêver d'être milliardaire plutôt qu'à devenir la nouvelle Marie Curie, il me semble, quitte à passer pour rétrograde ou idéaliste, que cela devrait nous interroger.

Ce genre de représentation poujadiste a des conséquences et des causes très concrètes, puisque les unes et les autres se confondent. En effet, la recherche universitaire est au plus mal dans notre pays. Au moins depuis 2008 et la réforme de Valérie Pécresse, la recherche scientifique est la victime d'un mode de financement par projet qui non seulement asphyxie les chercheuses et les chercheurs et les voue à une forme de précarité, mais conduit aussi mécaniquement à réduire le champ de leurs investigations en couronnant des modes académiques plutôt qu'en confortant les démarches intellectuelles originales. En raison de l'injonction faite aux scientifiques concernés de travailler sur des sujets pouvant faire l'objet de publications valorisées et dont les applications à court terme sont susceptibles d'être lucratives, des pans entiers de la recherche se trouvent négligés. Pourtant, comme le dit un adage bien connu, ce n'est pas en travaillant sur la bougie que fut inventée l'électricité.

Je ne m'appesantirai pas sur la question de l'utilitarisme, ni sur l'espèce de maccarthysme qui a sévi ces dernières années au sein même du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Frédérique Vidal a récemment reçu un camouflet, lorsque la preuve a été faite que l'enquête sur l'islamo-gauchisme qu'elle disait avoir demandée n'était en réalité qu'une tentative politique démagogique.

Je ne m'attarde pas non plus sur le dogme de l'excellence, qui a en réalité pour effet d'abaisser le niveau général au profit de quelques têtes de pont de l'Académie française.

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