Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 5 avril 2023 à 15h00
Bilan de la loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Dans notre société bousculée, traversée de tensions, de polémiques et de violences, les principes républicains apparaissent comme de salvatrices valeurs refuges. Dans une société qui se délite, non pas sous l'action de projets contradictoires – lesquels contribuent in fine au débat politique – mais, trop souvent, du fait d'une volonté de domination absolue des esprits et des corps, le respect des valeurs fondatrices de la démocratie devient une ardente obligation.

La liberté, valeur suprême au plan individuel et collectif, ne devrait finir que là où commence celle des autres.

La fraternité, si précieuse, devrait nous unir dans notre destin commun, l'humanité ne sachant finalement, face à l'immensité du temps et de l'espace, ni d'où elle vient ni où elle va.

L'égalité, quant à elle, est toujours plus mise à mal : égalité des sexes, égalité des chances, égalité face à la loi et – on peut toujours rêver – égalité sociale.

La laïcité, liberté de croire ou pas, de pratiquer ou pas, dans le respect des autres, est bien éloignée des conceptions de ceux dont les convictions deviennent des certitudes prétendument universelles et, en fin de compte, totalitaires.

Ces libertés, ces principes, actuellement sous tension, méritent tout autant qu'à l'époque des pères fondateurs d'être défendues et, plus que jamais, d'être installées au cœur du jeu collectif, du fonctionnement de nos sociétés. Il s'agit d'un enjeu vital, d'une œuvre toujours remise en cause et toujours recommencée.

Rappelons-nous la célèbre phrase de Pierre Mendès France : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l'encontre de l'inégalité, de l'oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu'il reste des progrès à accomplir. » Oui, elle est « éternellement inachevée », car ballottée en permanence par des vents contraires, contradictoires et puissants.

L'adhésion se gagne aussi, je le dis, par la reconnaissance concrète et totale, la plus concrète et la plus totale possible, de ce que chaque citoyen porte en lui. L'égalité devant la loi est certes, nous l'avons dit, un principe fondamental de justice individuelle et collective. Mais sa traduction dans la structure de l'État nation fournit un cadre inapte à reconnaître et à défendre la diversité culturelle, historique, économique et sociale des territoires qui animent la France et font la richesse de ses réalités profondes. Car il y a les principes et il y a leur application.

Au-delà de la proclamation de ces principes intangibles s'affrontent deux conceptions de l'État, de la société, de la France : d'un côté, la France centralisatrice, uniformisatrice, hautaine et dominatrice, de l'autre, la France généreuse, celle des terroirs et des droits de l'homme. L'une nous est proche, l'autre nous est étrangère. Car nous sommes tous, peu ou prou, dans notre intimité, dans notre perception des choses, citoyens du monde, citoyens de l'Europe, citoyens de la France et de ce que nous portons intimement en nous : paysages, langue, musique, proverbes, coutumes, qui forment notre environnement historique, familier et immédiat.

Je parle ici en tant que député, porteur, par définition, de valeurs universelles mais aussi – et c'est tout aussi important – des espoirs et de l'engagement de tant de Corses qui rêvent de vivre dans une société apaisée, ouverte au monde mais riche de sa culture et du sentiment d'être une minuscule mais réelle parcelle de l'humanité.

Les principes universels doivent rejoindre, inclure et respecter les richesses enracinées dans la terre et dans l'histoire que chacune et chacun porte en soi.

Aussi ce débat est-il pour nous l'occasion d'affirmer que le cadre de la démocratie réelle n'est pas immuable, que l'égalité, la vraie, ne passe pas par l'uniformité. Que si tout change – la démographie, les paysages, le climat –, eh bien, la structure de l'État peut et doit évoluer également, pour mieux prendre en compte notre diversité et s'en enrichir, non pas pour défaire ou pour dominer mais pour mieux aimer, mieux respecter et mieux valoriser. C'est là un grand défi pour l'avenir. Il est difficile, mais notre devoir est de le réussir.

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