Une augmentation salariale pour un ou une prof, c'est un budget en plus pour aller chez le psy. Ce n'est pas une affirmation de ma part, mais une formule qui circule chez les enseignants et les enseignantes parce que, dans le fond, à quoi sert une augmentation de salaire quand le problème est en réalité l'ensemble des conditions de travail ?
On a beaucoup parlé de crise de recrutement dans l'enseignement, mais la crise est généralisée. C'est une crise de sens, de vocations, d'attractivité et reconnaissance à laquelle s'ajoute un manque de moyens humains et matériels. Nous ne parvenons pas à recruter, mais nous ne parvenons pas davantage à garder les équipes éducatives. Les départs volontaires définitifs augmentent de façon inquiétante : en dix ans, le taux a été multiplié par cinq parmi les enseignants du premier degré, et par trois parmi ceux du second degré.
Ces démissions sont-elles le symptôme de perte de sens dans les missions, le signe de l'épuisement des professionnels ou la marque de l'inadéquation de la formation aux réalités du métier ? Vous le savez, monsieur le ministre, on ne s'engage jamais dans un métier de l'enseignement par hasard, on le fait par conviction avec du cœur et du professionnalisme, sans compter ses heures. Sans l'engagement de ses personnels d'éducation, l'école ne tiendrait pas : ils et elles en sont les fondations.
Pourtant, j'ai l'impression qu'on méconnaît encore leur travail, notamment leur travail invisible. C'est ainsi en faisant preuve d'une certaine suspicion que le Gouvernement a choisi non pas d'accorder une augmentation, méritée et attendue, à tous, mais de conditionner une partie de la revalorisation salariale à l'exécution de nouvelles missions – lesquelles n'ont fait que proliférer ces dernières années, ce qui nous ramène à la question du sens.
Vous assurez que toutes les équipes pédagogiques seront enfin récompensées pour leur investissement à la rentrée, mais j'ai toujours du mal avec ces nouvelles missions et avec le pacte dont vous vous prévalez. L'existence d'un pacte suppose qu'un contrat, un accord ait été conclu entre l'État et ses fonctionnaires. Dès lors, deux questions se posent : peut-on parler d'accord quand seule une partie est présente à la table des négociations – puisque les organisations syndicales l'ont quittée ? Peut-on parler de contrat quand ses clauses reposent sur la défiance plutôt que sur la confiance ?